Afin d’optimiser la prise en charge en médecine générale des femmes à risque de fracture, de nouvelles recommandations françaises ont été publiées récemment. Elles proposent un algorithme décisionnel simplifié basé essentiellement sur la notion d’antécédents de fracture et la DMO.
En France, la prise en charge de l’ostéoporose ne cesse de se dégrader, alors que les fractures partent à la hausse. Plusieurs chiffres récents le confirment, dont une étude de la Cnam menée chez les femmes de plus de 50 ans à partir des données du PMSI entre 2011 et 2013, avec un nombre de fractures passé de 150 000 à 160 000. Pendant la première année post-fracture, seulement 10 % des patients ont eu une densitométrie osseuse et 15 % à peine ont débuté un traitement anti-ostéoporotique. Ainsi, plus de 80 % n’ont pas reçu une prise en charge appropriée après une fracture nécessitant une hospitalisation.
Afin d’inverser la tendance, l’actualisation – avril 2018* – des précédentes recommandations de 2012 sur la prise en charge de l’ostéoporose post-ménopausique avait pour mot d’ordre de simplifier la décision thérapeutique. C’est chose faite : le nouvel algorithme ne repose désormais plus que sur deux éléments clés que sont le résultat de la densitométrie osseuse (DMO, T Score exprimé en écart-type par rapport à la moyenne des sujets normaux de jeune âge) et les antécédents personnels de fracture, suffisants pour gérer 4/5es des situations. Auparavant, le raisonnement n’était pas forcément fondé sur les seuils densitométriques. L’outil FRAX® – un abaque pour évaluer le risque fracturaire à 10 ans – mis en avant pendant des années comme élément décisionnel – n’a absolument pas convaincu les praticiens. Il est aujourd’hui écarté de la décision thérapeutique dans la majorité des cas.
La DMO reprend du galon
Pour cette mise à jour, les experts du GRIO (qui représente la section “Os” de la Société française de rhumatologie), en association notamment avec le Collège national des généralistes enseignants, le Collège national des gynécologues et obstétriciens français, les Sociétés françaises de chirurgie orthopédique, d’endocrinologie, de gériatrie et de gérontologie, etc. ont exploité les récentes données épidémiologiques et thérapeutiques selon une méthodologie HAS. « La philosophie de ce texte est la suivante, résume le Pr Bernard Cortet du service de rhumatologie (CHU Lille) et co-auteur de ces recommandations, en l’absence de fracture, on ne traitera que les femmes dont la densité minérale osseuse (DMO) est très basse. A contrario, plus la fracture est sévère (vertèbres, extrémité supérieure du fémur et de l’humérus, bassin, sacrum), plus on pourra s’accorder un seuil densitométrique élevé. Enfin, si la fracture n’est pas sévère (unique fracture costale, poignet, calcanéum etc.), plus besoin d’atteindre le seuil de l’ostéoporose en termes densitométriques (T-score ≤ – 2,5 au rachis lombaire et/ou à l’extrémité supérieure du fémur) pour décider de la mise en œuvre d’un traitement qui peut être »,
Des os moins épais chez la femme
Si l’imprégnation œstrogénique a un effet osseux protecteur chez l’homme comme chez la femme, la carence œstrogénique propre à la femme ménopausée la rend plus vulnérable à l’ostéoporose. Cette prédisposition est renforcée par une moindre épaisseur initiale des pièces osseuses, les rendant plus fragiles.
Le poids des autres facteurs de risque d’ostéoporose (diminution de la DMO, antécédents fracturaires, tabac, alcool, carences calcique et vitaminique D, cortisone au long cours…) est en revanche à peu près identique dans les populations masculines et féminines.
Par contre, le taux de mortalité après fracture ostéoporotique est quasiment doublé chez l’homme, sans pour autant pouvoir relier ce fait à des facteurs de risque particulier. Tous sexes confondus, le nombre de comorbidités est un facteur de risque majeur de décès après fracture de hanche.
Trois cas de figure distincts
Le nouvel algorithme détaille trois cas de figure. Le premier, si la fracture est sévère et si la DMO affiche un T-score inférieur à -1 sur au moins l’un des sites, il est légitime de débuter un traitement. Si la fracture n’est pas sévère, un traitement s’avère nécessaire lorsque le T-score est inférieur à -2. Sans antécédent de fracture, le T-score doit être inférieur à -3 pour traiter, comme par le passé.
Du fait du très faible nombre d’études comparatives sur le critère “fracture”, il est difficile de hiérarchiser les molécules anti-ostéoporotiques. Dans la majorité des cas, la première intention sera de privilégier un biphosphonate. Le dénosumab – anticorps monoclonal anti-rank ligand – n’est remboursé que lorsqu’il est utilisé après un biphosphonate, donc en seconde intention. « Cependant, en première intention, les études montrent que son efficacité est supérieure à celle des biphosphonates vis-à-vis de l’amélioration de la DMO lorsque celle-ci est très basse, précise le Pr Cortet. Le dénosumab est alors à envisager en première intention dans ce cas précis même s’il n’est pas remboursé. »
Pour sa part, le raloxifène n’a pas d’effet démontré sur les fractures non vertébrales. Il est à réserver aux patientes présentant un risque modéré de fractures non vertébrales (moins de 70 ans et sans aucun des facteurs de risques suivants : T-score fémoral <-3, risque élevé de chutes ou antécédents de fractures non vertébrales). Quant au tériparatide, il peut relever de la première intention, mais après au moins deux fractures vertébrales, qui conditionnent son remboursement.
Les médicaments par voie parentérale (acide zolédronique et dénosumab) peuvent être administrés, de préférence en cas de fracture de la hanche, mais de valeurs de DMO très faibles, de comorbidités et, plus spécifiquement, de troubles de la mémoire, de mauvaise adhérence, de polymédication, etc.
L’hormonothérapie substitutive de la ménopause est pour sa part indiquée chez les femmes en période post-ménopausique précoce (< 60 ans).
Un suivi mieux codifié
Si l’on initie un traitement par inhibiteur de la résorption osseuse (raloxifène, bisphosphonates per os), il est conseillé d’effectuer un dosage du marqueur de remodelage osseux (CTX sérique) à 6 mois (entre 3 et 12 mois), de façon à vérifier qu’il se situe dans la norme des femmes avant la ménopause. Pour toutes les thérapeutiques, une densitométrie osseuse est recommandée à mi-course, soit deux à trois ans après le début du traitement. Dernière modification, la cible thérapeutique pour décider d’un éventuel second cycle de traitement est ramenée à un T-score inférieur à -2,5 voire idéalement -2.
Le FRAX® relégué aux cas complexes
Les définitions des cas complexes n’avaient pas jusqu’alors été circonscrites si précisément. Les nouvelles recos distinguent trois situations : fracture sévère mais avec T-score compris entre 0 et -1 ; fracture non sévère avec un T-score compris entre -1 et -2 ; sans fracture avec un T-score compris entre -2 et -3. Pour décider d’une intervention thérapeutique, il faut alors s’aider d’autres outils comme le FRAX®, le trabecular bone score (mesure effectuée à partir de la planche densitométrique du rachis lombaire) ou encore les marqueurs du remodelage osseux. Ces situations plus complexes relèvent du spécialiste (rhumatologue, endocrinologue, etc.), ou du généraliste rompu à la pathologie osseuse.
Joint Bone Spine (2018), https://doi.org/10.1016/j.jbspin.2018.02.009
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