Le Dr François Batiot n’a pas hésité un instant avant de s’engager. Le 1er juillet dernier, il reçoit un courrier électronique du ministère de la Santé qui lance un appel au volontariat pour une mission de renfort en Guyane où le Covid-19 sévit depuis plusieurs mois. Réponse attendue dans les 24 heures. Il a fallu moins de temps au généraliste de 43 ans pour se porter candidat, avant même d’obtenir le feu vert de sa hiérarchie au CHU de Poitiers où il est salarié.
Le 11 août, il embarquait avec deux autres confrères et plusieurs soignants en direction de Cayenne. « Initialement, je devais être basé à Saint-Laurent-du-Maroni, raconte le Dr Batiot. Finalement, on m’a envoyé faire du soin en pleine forêt amazonienne dans les villages des tribus amérindiennes ! » Il lui faudra voyager trois heures en avion pour rejoindre Maripasoula, puis un après-midi en pirogue pour atteindre sa destination.
Oublier ses repères
Pendant près d’un mois, il ira de village en village pour soigner les Wayanas, parfois assisté d’une interprète, fille du chef local. « J’étais très enthousiaste, mais j’avais tout de même quelques appréhensions. Cela faisait quinze ans que je n’avais pas fait d’urgences. Partir là-bas, tout seul avec un infirmier… »
Le généraliste devra oublier tous ses repères. Exit le colloque singulier, « là où il n’y avait pas de dispensaire, je consultais en plein air dans le Tukusipan du village, qui ressemble à une grande hutte, devant tous les villageois », se souvient le Dr Batiot. Les pathologies sont très variées, maladies infectieuses, dermatoses, dengue, « et encore beaucoup de cas de Covid », même si le pic de l’épidémie date des mois de juin et juillet.
Les tribus Wayanas n’ont pas été épargnées par l’épidémie, bien au contraire. « Les gens qui n’ont pas été contaminés sont minoritaires, explique le généraliste. Les villages sont isolés, mais il y a beaucoup de passages, notamment avec les activités d’orpaillage. » Pour le médecin, l’expérience se révèle « incroyable sur le plan médical et humain » auprès d’une population « fantastique ». « J’ai fait du soin, rien que du soin, centré sur le patient… et sans les tracas administratifs », se réjouit le médecin.
Retrouver l'âme de la médecin générale
Son travail de terrain à Poitiers l’a également beaucoup aidé dans cette mission. Depuis deux ans, le Dr Batiot est médecin responsable au sein au sein du relais Georges-Charbonnier qui fait partie de la PASS (permanence d’accès aux soins de santé) du CHU. Durant la première vague épidémique, cette structure qui s’adresse aux personnes en situation de précarité, a pris en charge près de 30 % des cas de Covid dans la Vienne, grâce à son travail hors les murs de l’hôpital.
Le relais voit également passer de nombreux migrants. « Ce travail global que l’on fait autour d’une personne qui n’a pas la même culture que nous, c’est quelque chose qui m’a beaucoup servi sur place », raconte le généraliste qui n’en est pas à sa première expérience à l’étranger. Il a déjà participé à des missions courtes au Burkina Faso et au Cambodge. Il a également fondé une association, Ya techegbo, qui prend en charge les femmes victimes de violence au Bénin.
Avant de rejoindre la PASS, il avait exercé 14 ans en libéral. « Je ne m’y retrouvais plus dans la pratique de cabinet, avoue le Dr Batiot. Je voulais retrouver l’âme de la médecine générale dans le sens où on a une prise en charge globale de la personne en prenant en compte l’environnement dans lequel elle évolue. » Tout ce qu'il a trouvé pendant sa mission auprès des Wayanas.
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