THM et cancer du sein

Ce qui influence le risque

Publié le 25/06/2012
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CONSÉQUENCE des publications en 2003 de l’essai randomisé “Women’s Health Initiative” (WHI) et de l’étude de cohorte “Million Women Study” (MWS), l’utilisation des traitements hormonaux substitutifs de la ménopause (THM) a diminué.

En 2012, cette attitude négative n’est pas justifiée. Elle prive inutilement de nombreuses femmes souffrant de symptômes de la ménopause des bénéfices du traitement alors que la preuve de son effet sur la qualité de vie est bien démontrée et que les thérapies alternatives ne sont pas efficaces (1-3). Elle leur interdit aussi les autres effets positifs du THM, par exemple sur l’ostéoporose.

IMC.

Certaines études antérieures ont donné des résultats contradictoires sur le rôle de l’adiposité dans le sur-risque de cancer du sein associé au THM. Les données de la cohorte européenne EPIC (European Prospective Investigation into Cancer and Nutrition) permettent d’analyser les effets conjugués de l’indice de masse corporelle (IMC) et du THM chez les femmes ménopausées, selon le statut en récepteurs hormonaux PR des progestatifs et ER des estrogènes des tumeurs (4).

Indépendamment du THM employé, le risque de tumeurs ER + PR + ou ER-PR- est plus sensible chez les femmes minces que chez celles en surpoids (pour un IMC ≤ 22,5 ; HR = 1,74 (1,1-2,63) pour les tumeurs ER-PR- et 2,33 (1,84-2,92) pour les cancers ER + PR + ; pour l’ensemble des femmes sous THM, HR = 1,30 (1,05-1,62) et 1,74 (1,56-1,95), respectivement).

Dans un modèle mathématique qui permet de prévoir le risque de cancer du sein en fonction de l’IMC chez les femmes traitées par œstrogènes uniquement (5), le surrisque de cancer du sein lié au THM diminue aussi avec l’augmentation de l’IMC (RR = 1,6 pour un IMC de 18 ; 1,0 pour un IMC de 25 ou ≥ 30 ; par rapport aux femmes ménopausées non-utilisatrices d’un THM). Avantage de ce modèle, des optimisations sont envisagées pour inclure des paramètres supplémentaires, telle l’éducation physique, ou l’appliquer à d’autres formules de THM.

Activité glucocorticoïde.

Au fil des années, des progrès ont été réalisés concernant les formules de THM et les voies d’administration. Le traitement combiné estradiol (E2) percutanée/progestérone (P4) micronisée orale est lié à une absence d’augmentation de la prolifération des cellules mammaires, contrairement au traitement conventionnel américain œstrogènes conjugués équins/acétate de médroxyprogestérone (MPA), qui a un effet marqué. Il apparaît, d’après les récents travaux du Pr Anne Gompel (Hôtel-Dieu, Paris) (6) que la P4 aurait un effet plus favorable que les progestatifs synthétiques sur le tissu mammaire du fait d’absence d’effets non spécifiques incluant l’activité glucocorticoïde et la régulation de l’expression de certains gènes. Cette équipe montre au final que l’activité du récepteur aux glucocorticoïdes (GR) permet d’expliquer la variabilité des effets entre la P4 et le MPA sur différents types de cellules mammaires (7).

Les gènes de prolifération et de mort cellulaires sont régulés différemment avec E2 + P4 ou E2 + MPA. Et une modulation de la voie d’expression du gène du GR est mise en évidence avec la combinaison E2 + MPA. Pour finir, les conséquences de l’activité glucocorticoïde du MPA ainsi que l’importance du GR dans le tissu mammaire méritent une réévaluation, concluent les chercheurs.

Cyt P450.

L’importance de la pharmacogénomique ouvre par ailleurs tout un domaine d’investigations depuis la première démonstration en 2009, par le Dr Christina Justenhoven et son équipe de l’institut de pharmacologie clinique de Stuttgart, du rôle modulateur du variant CYP2C19*17 du cytochrome P450 dans le sur-risque de cancer du sein associé au THM (8). La médecine personnalisée est en 2012 essentielle pour prévoir les risques de chacune des femmes et ajuster le traitement.

D’après la communication du Pr Armando Genazzani, Università degli Studi del Piemonte Orientale « Amedeo Avogadro », Novara, Italie.

1. Burger HG et coll. 2012 Jun ;15(3):281-7.

2. Pines A et coll. Climacteric. 2012 Jun ;15(3):213-6.

3. Gompel A, Santen RJ. Climacteric. 2012 Jun ;15(3):241-9.

4. Ritte R et coll. Breast Cancer Res. 2012 May ;14;14(3):R76.

5. Green LE et coll. Comput Math Methods Med. 2012 ; 2012:792375.

6. Gompel A. Climacteric. 2012 Apr ;15 Suppl 1:18-25.

7. Courtin A et coll. Breast Cancer Res Treat. 2012 Jan ;131(1):49-63.

8. Justenhoven C et coll. Pharmacogenomics. 2012 Apr;13(6):659-75.

 D. M.

Source : Le Quotidien du Médecin: 9147