Choix du logiciel en MSP : l’unicité du logiciel ne fait pas (encore) l’unanimité des PS

Publié le 22/05/2014
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Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

« L’informatique, c’est une grosse préoccupation quand on monte une maison de santé, et j’ai passé des mois à étudier les différents logiciels et à assister à des démos car j’avais peur de me tromper. J’ai privilégié la labellisation et les nombreuses références de l’éditeur et donc choisi une solution en ligne. » Quatre mois après l’ouverture de la MSP de Bâgé-le-Châtel (Ain, arrondissement de Bourg-en-Bresse), le Dr Philippe Morel est soulagé : le logiciel est stable (NDLR il s’agit de Chorus d’ICT), il n’y a eu aucune panne et les dix professionnels de santé en sont très satisfaits y compris les deux jeunes médecins qui doivent venir rejoindre la MSP après des remplacements cet été. « Ils ont rapidement appréhendé le logiciel. » Avec son associé, le Dr Morel a porté le projet pendant 4 ans. La municipalité et la région l’ont soutenu avec la construction d’une maison louée aux professionnels. « Nous voulions travailler en collaboration, suivre les recommandations et il nous fallait un outil de partage de l’information. Ce qui signifiait que chacun abandonne son ancien logiciel. Nous étions tous d’accord. » Les trois infirmières et le kiné ont préféré conserver leur TLA pour la télétransmission avec mise en place par l’éditeur de leurs cotations. Tous consultent les dossiers (les médecins se contentent du consentement des patients recueillis oralement et la case correspondante est cochée, même si la labellisation du logiciel prévoit l’impression d’un formulaire) et ont des adaptations liées à leur pratique. La secrétaire (elles sont deux) scanne les courriers et les comptes rendus et les résultats d’analyse qui sont intégrés. « Il y a tout ce qu’il faut, l’agenda pour les réunions, les échanges de notes internes sur les dossiers. Plusieurs protocoles ont été réalisés ou sont en cours pour les AVK, les vaccinations, les plaies chroniques, le diabète de type 2, souligne le Dr Morel, regrettant que la HAS ne fournisse pas des protocoles tout prêts. Mais peu codent et utilisent la CIM 10. « On va le faire, en quatre mois, ce n’est déjà pas mal. » Quant aux patients, ils sont très satisfaits. De retrouver leurs professionnels de santé dans de nouveaux locaux dotés d’un grand parking…

La MSP de Montreynaud près de Saint-Étienne s’est ouverte en décembre. Elle compte trois médecins généralistes (deux nouveaux installés et un troisième sur AxiSanté), cinq infirmièr(e)s, un gynécologue et une sage-femme. Ils étaient tous d’accord pour un logiciel commun. À l’issue de l’appel d’offres, et du test de deux logiciels web et labellisés, le choix s’est porté sur MLM (monlogicielmedical.com, le logiciel en ligne de CLM), qui avait un profil de connexion bien adapté aux infirmièr(e)s et un tarif paramédical avantageux. De plus, le cabinet infirmier utilise Simply Vitale, solution mobile du même éditeur, pour gérer les visites. « Nous leur laissons accès à tout le dossier, précise le Dr Julien Fortané, mais nous avons la possibilité de marquer des éléments comme strictement personnels à tout moment de la consultation. » La secrétaire se limite à l’administratif et aux plannings. À la création de leur dossier, les patients signent un formulaire acceptant ce partage des données les concernant. Au total, le logiciel est facile à utiliser. « Le full web est bien plus simple à installer même s’il y a parfois des lenteurs d’affichage. La migration des données a pris du temps. On attend pour juin les outils statistiques, la synchronisation du logiciel sur le poste pour pouvoir travailler hors connexion si besoin. Nous avons été bien accompagnés et la hotline est très disponible. Nous sommes en train d’élaborer nos premiers protocoles de soins… »

Médecin « DIM » avec une consœur du pôle de santé de Chambéry (le DIM reçoit un dédommagement payé par le pôle dans le forfait NMR), le Dr Guillaume Bouchet a lui aussi poussé au logiciel unique. Découvrant le pôle en y effectuant un remplacement, il en a aussitôt apprécié le mode de travail. Les deux cabinets de 7 et de 2 médecins ont abandonné leurs anciens logiciels pour la solution en ligne Weda (sur PC) pour avoir une meilleure gestion des droits d’accès qui doivent être modulés en fonction des soignants. « Il y a eu un temps de concertation assez long avec l’éditeur. Puis un mois d’essai sur un serveur de test avec nos données en partie exportées. Ainsi il n’y a pas eu de mauvaise surprise lors du basculement en janvier. On a commencé par équiper le noyau dur des médecins. Au début on appelait notre référent chez Weda chaque semaine car les droits d’accès n’étaient pas assez sécurisés. Weda synchro mérite encore d’être amélioré mais les relations avec l’éditeur sont bonnes. On peut structurer nos dossiers et coder au moins le diabète pour commencer. Le module de recherche multicritères n’est pas encore très puissant. » Aujourd’hui les infirmières se servent de Weda sur tablette et ont conservé leur solution de facturation. Les kinés ont gardé « leur » « Vega » mais tous peuvent enrichir les dossiers.

Des solutions structurées mais pas en ligne

La structuration des données est mise en avant par les médecins pour faire adopter un logiciel unique mais pas en ligne.

C’est ainsi que la MSP de Neufchâtel-en-Bray (5 000 habitants) ouverte il y a deux ans tourne sur éO qui a son label depuis peu (pas encore confirmé). Une cinquantaine de personnes en tout, dont 14 généralistes, 8 à 9 infirmières, 2 dentistes, 1 diététicienne, un laboratoire d’analyse, 1 CLIC (Comité local…), 7 secrétaires. À l’origine du projet coordonné par le Dr Frichet, le regroupement à Neufchâtel en exercice de groupe en 2008, de 9 médecins (informatisés avec Hellodoc ou HyperMed). « Les médecins ont voulu un logiciel plus structuré, explique le Dr Matthieu Schuers, notre choix s’est porté sur éO plutôt que Medistory car nous avions des PC. Tous les médecins sont passés sur éO en conservant l’ancien réseau existant. Le transfert des données n’a pas très bien marché nous avons dû archiver nos anciennes données. Nous avons changé de serveur car éO a besoin d’un serveur 4D (c’est sa base de données). Aujourd’hui les 14 médecins (car nous avons été rejoints par des jeunes médecins venus en remplacement) utilisent éO et le réseau est partagé par tous. Nous avons deux cabinets secondaires : l’un dans un petit village à Sommery où l’un des généralistes exerce à ¾ de temps et consulte les dossiers par un serveur distant ; l’autre est au sein de l’hôpital où nous assurons une permanence de 8 heures à 20 heures pour les soins de premier recours ainsi que des gardes de nuit et de week-end en lien avec les confrères du secteur. Ce cabinet est équipé d’Hellodoc avec possibilité de consulter les dossiers sur éO via le serveur distant. Pour le moment, les infirmières et la diététicienne n’ont pas d’accès aux dossiers. Les échanges sont physiques avec une réunion tous les vendredis. Nous avons fait un protocole de suivi des INR avec les infirmières, sur papier. À terme nous envisageons un logiciel commun. éO est entré dans la démarche de la labellisation ce qui nous conforte dans notre choix. Nous apprécions la possibilité de pouvoir coder de façon très intuitive. Cela nous a déjà servi et nous pourrons nous associer aux études épidémiologiques. »

Garder son logiciel ?

La maison de santé de Meung-sur-Loire (6 000 habitants), ouverte depuis avril 2013, c’est 15 professionnels de santé (5 généralistes, 1 gynécologue, 5 infirmières, 2 kinés, 1 orthophoniste, 1 podologue), 2 secrétaires et trois logiciels différents. « Je travaillais seul dans un petit bourg à 20 km de Meung, c’est un confrère de Meung qui s’est engagé sur le projet il y a trois ans. Il était prévu que deux jeunes s’installent. Je n’ai pas hésité à les rejoindre, explique le Dr Benoît Guern, Il n’y avait que moi à être informatisé sur Hellodoc qui tourne aujourd’hui en réseau. Le choix informatique, c’est capital pour la maison de santé, mais c’est aussi la quadrature du cercle car tous n’ont pas les mêmes besoins, ni les mêmes budgets. Les kinés et les infirmières utilisaient déjà des solutions de RM Informatique adaptés à leur métier, avec une solution mobile (Simply Vitale) pour les infirmières. Ils ont accès Hellodoc en consultation (les ordinateurs leur ont été fournis). Et peuvent ajouter une note. Les kinés ne s’en servent pratiquement pas. Les infirmières et les médecins partagent des protocoles de soins. Le podologue et l’orthophoniste nous ont rejoint sur Hellodoc. Le rapport qualité/prix est satisfaisant. »

Comme le Dr Guern, le Dr Thomas Boutez et ses associés, équipés avec Medistory, n’ont pas désiré changer de logiciels au moment où leur cabinet de groupe de 4 généralistes avec un secrétariat, à Val-de-Reuil intègre un pôle de santé de 61 professionnels de santé, soutenu par l’ARS depuis 2011 (Louviers-Pont-de-l’Arche-Val-de-Reuil, un bassin de 60 000 habitants). « On estime que le dossier médical, c’est l’essentiel et que c’est d’abord l’outil de travail du médecin, explique-t-il, on a donc développé les échanges entre professionnels en utilisant les messageries sécurisées Apicrypt ou MSSanté selon nos correspondants. Ainsi aux kinés, on envoie l’ordonnance et les comptes rendus opératoires et eux, nous retournent un PDF des bilans initiaux qu’ils rédigent. Tout cela est intégré dans les dossiers comme pour la gestion des comptes rendus de correspondants. J’ai des mails de pharmaciens qui nous interpellent quand ils remarquent quelque chose. On n’envisage pas de dossier pluridisciplinaire. » Medistory, étant paramétrable et structuré, s’est adapté à l’exercice au sein d’un pôle : intégration de la biométrie, mise en place de protocoles, alertes pour les vaccins, les examens à prescrire (c’est la secrétaire qui les met), statistiques demain. Seule condition : de la rigueur. Comme les médecins travaillent en réseau, ils doivent tous avoir le même logiciel. Pas question de paramétrer chacun de son côté, l’un des praticiens est devenu le DIM et c’est lui qui paramètre pour tous. Ajoutons que les 19 médecins du Pôle répartis en une demi-douzaine de cabinets n’en sont pas au même niveau d’avancement quant à leur informatisation.

« La continuité des soins, poursuit le Dr Boutez, va être assurée par l’utilisation d’un logiciel de planning commun avec pour chaque patient sa fiche de synthèse provenant de Medistory. A-t-on besoin de plus ? Le dossier médical de synthèse est l’objectif. Quant aux protocoles de soins, il en existe déjà un pour la lombalgie chronique sous forme d’une feuille Excel sur clé USB remise au patient. »

Il n’a pas fallu moins de 85 réunions au Dr Philippe Jourdain pour arriver à ouvrir en octobre 2010 un pôle de santé libéral à Gacé (Orne) dans un immeuble rénové. Un secteur rural où « je ne voulais pas me retrouver le seul et dernier médecin » (il a 54 ans). Pour lui, l’important ce n’est pas que tout le monde ait le même logiciel mais que l’équipe soit très fédérée et que tout le monde soit d’accord. « On fait un staff tous les deux mois. J’avais MediMust sur Mac dont j’étais satisfait avec un éditeur normand lui aussi. Le deuxième médecin qui m’a rejoint l’a pris aussi et les suivants. Il y a quatre ans il n’existait de toute façon pas de logiciel labellisé. Je suis maître de stage et nous sommes quatre médecins aujourd’hui avec MediMust en réseau. » Le serveur est dans le bureau des infirmières. L’équipement informatique du pôle a été pris en charge (ARS + collectivité locales). « Notre éditeur a fait l’installation. Les cinq infirmières et les trois kinés ont accès à une partie du dossier par le biais d’un sous-dossier dans lequel nous mettons par exemple les comptes rendus pour les kinés qui ont leur propre logiciel. »

Lorsque la question du logiciel s’est posée à Avoine (Indre-et-Loire), le Dr Brechat a tout de suite mis l’accent sur le fait qu’il ne fallait pas être dépendant des flux Internet dans une région mal dotée en la matière. Sa conviction : le logiciel médical reste un outil ; ce qui fait tourner les maisons de santé, c’est le projet. Tous les logiciels sont en réseau. Les médecins ont Alma Pro, les dentistes ont leur logiciel métier, les kinés le leur. Pour communiquer, les professionnels utilisent un dossier commun sur lequel on glisse des PDF, une variante de la boîte scan qui sert aux secrétaires pour ranger les doc scannés à intégrer… « Alma Pro est super efficace, pratique et on peut l’héberger sur un serveur distant. Resterons-nous sur AlmPro ? On verra quand il sera labellisé… »


Source : Informatique et Web