Pathologies mammaires

Le sein des hommes aussi peut poser problème

Publié le 20/11/2014
Article réservé aux abonnés
1416449654564174_IMG_141415_HR.jpg

1416449654564174_IMG_141415_HR.jpg
Crédit photo : PHANIE

La glande mammaire est chez l’homme de type « infantile », avec un tissu conjonctif lâche, des canaux galactophores fins, une absence de différentiation terminale des canaux (et donc une absence de lobules). Son développement est effectivement inhibé par la sécrétion d’androgènes à la puberté. Il existe toutefois une période de prolifération mammaire, passagère et physiologique, à la naissance et en période prépubertaire avant la mise en place de l’axe androgénique.

Gynécomastie

La gynécomastie constitue la pathologie mammaire la plus fréquente chez l’homme, 30 % des hommes en ont peu ou prou, souvent transitoirement. Une gynécomastie à l’adolescence est banale ; il convient de s’assurer, sans autre exploration complémentaire, que les testicules, de taille normale, soient bien descendus et de revoir l’adolescent à 3-6 mois pour juger de la régression.

Il s’agit d’une prolifération du tissu canalaire et du tissu stromal alentour, sans différentiation. Elle est d’origine hormonale, par hyperestrogénie relative ou aromatisation périphérique des androgènes. Elle se présente sous la forme d’une tuméfaction habituellement rétromamelonnaire ou centrée sur le quadrant supéro-externe, parfois un peu douloureuse (si elle est récente), souvent bilatérale (unilatérale pour les gynécomasties idiopathiques), sans adénopathie ou écoulement. Un examen des testicules est indispensable pour écarter une atrophie ou une tumeur.

À l’âge d’homme, un bilan étiologique est indiqué. Une mammographie couplée à une échographie permet d’identifier trois formes typiques, nodulaires (qui miment un cancer quand la gynécomastie est récente), dendritiques (pour les gynécomasties plus anciennes) et diffuses (qui évoquent une glande mammaire féminine). Pour les deux premières en particulier, une biopsie écho-guidée est le plus souvent nécessaire afin d’éliminer l’hypothèse d’un cancer.

L’enquête étiologique est fonction bien sûr du contexte (atrophie testiculaire, cirrhose alcoolique, etc.) et de l’interrogatoire à la recherche d’une cause iatrogénique (stéroïdes anabolisants, intoxication au cannabis, chimiothérapie, et plus mystérieusement certains antidépresseurs ou le furosémide).

Faute de contexte évident, un bilan biologique doit être réalisé ; il comporte un dosage de la TSH, de la créatinine et un bilan hépatique pour écarter un déséquilibre hormonal d’origine métabolique (insuffisance rénale chronique, dénutrition sévère ou dysthyroïdie par exemple), un bilan hormonal (testostérone, LH, œstradiol, prolactine, DHEA, ß-hCG) afin d’éliminer un désordre hypothalamo-hypophysaire, surrénalien ou une tumeur testiculaire. En cas de normalité de ces examens et en l’absence de cause iatrogénique retrouvée, la gynécomastie est jugée idiopathique.

Cancer : une origine génétique

Le traitement dépend de l’étiologie et de la gêne ressentie. L’intervention n’est proposée que pour les gynécomasties volumineuses et/ou douloureuses. Une gynécomastie, notamment bilatérale, ne doit pas être confondue avec une adipomastie, volontiers retrouvée chez des personnes obèses ou ex-obèses, où l’augmentation du volume mammaire est diffuse, les tests normaux, la mammoéchographie ne mettant en évidence que du tissu adipeux.

Le diagnostic différentiel est celui de cancer (1 % des cancers du sein touchent l’homme). Le cancer du sein chez l’homme est d’origine génétique dans 30 à 40 % des cas ; la recherche de mutations BRCA1 et 2 est par conséquent systématique.

Le traitement est superposable à celui des femmes, en sachant que ce cancer est hormonosensible dans 90 % des cas (et donc a priori de meilleur pronostic), mais fréquemment découvert à un stade avancé, avec un envahissement ganglionnaire axillaire, ce qui constitue le facteur pronostic le plus important… Une mastectomie totale est la règle ; le type de chirurgie ganglionnaire est encore débattu (un ganglion sentinelle peut être proposé), mais ce cancer, habituellement infiltrant, oblige à un curage ganglionnaire complémentaire. Si le recours à la chimiothérapie s’opère dans les mêmes conditions que pour le cancer du sein chez la femme, une radiothérapie de paroi est plus souvent indiquée compte tenu de la plus grande proximité du muscle pectoral. En complément, un traitement antihormonal, antiestrogénique, type tamoxifène.

Dr Brigitte Blond

Source : Le Quotidien du Médecin: 9367