Homéopathie : la fac de Lille suspend son DU, les homéopathes dénoncent une « chasse aux sorcières »

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Publié le 03/09/2018
Fac lille

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Crédit photo : S. Toubon

C'est une décision universitaire forte qui risque d'alimenter la querelle médicale entre « pro » et « anti » homéopathie.

La faculté de médecine de Lille vient d'annoncer sur Twitter que le diplôme universitaire (DU) d'homéopathie était suspendu pour cette rentrée universitaire « dans l’attente de la position de la Haute autorité de santé [sur le remboursement] et d’échanges nationaux sur l’encadrement de cette pratique et de son enseignement ». Ce DU était accessible après la validation du second cycle des études. Il n'est pas obligatoire et n'est pas reconnu par l'Ordre en tant que spécialité. 

Médecine fondée sur les preuves contre doctrine

Joint ce lundi par téléphone, le Pr Didier Gosset, doyen de la faculté de Lille 2, explique au « Quotidien » que cette suspension n'est pas une mesure dirigée contre les médecins homéopathes mais vise les traitements. « La médecine enseignée à la faculté est fondée sur les preuves et l'homéopathie reste pour le moment au stade de doctrine, détaille-t-il. Les études sur l'efficacité des granules sont peu nombreuses et peu solides. Or, on présente souvent l'homéopathie comme efficace. Il faut avoir de l'éthique et mener une réflexion scientifique et pédagogique ».

Le Collège national des généralistes enseignants (CNGE), présidé par le Pr Vincent Renard, apporte son soutien au doyen de la fac de Lille et invite les autres UFR à suivre l'exemple des Hauts-de-France.

Également contacté ce lundi, le Pr Jean Sibilia, président de la conférence nationale des doyens, calme le jeu. « Il est préférable que les facultés attendent l'avis de la HAS sur la question »« Il ne faut pas confondre les procédures de traitements par les granules homéopathiques dont les preuves d'efficacité n'ont pas été démontrées et la prise en charge des patients par le médecin homéopathe que nous ne remettons pas en cause », souligne-t-il. La conférence se veut active sur la question. Les doyens ont créé un observatoire interne sur les médecines intégratives (qui désigne le recours simultané à la médecine conventionnelle et aux médecines alternatives). 

Zéro concertation

Mais pour les homéopathes, la décision de suspendre tous les cours d'homéopathie à Lille est un nouvel affront alors que la querelle fait rage au sein de la profession. « Nous sommes très étonnés de cette décision car la faculté de Lille propose ce diplôme depuis une trentaine d'années, se désole le Dr Charles Bentz, président du Syndicat national des médecins homéopathes français (SNMHF). Par ailleurs, elle a été prise sans concertation avec les responsables de cet enseignement ».

Le syndicat dénonce même une « chasse aux sorcières » qui se met « insidieusement en place » et « tourne le dos à la pratique d'une médecine intégrative et réconciliée. « Juger l'homéopathie avant l'avis de la HAS c'est incohérent. Il n'y a aucune urgence, sauf peut-être médiatique », tacle le Dr Bentz.

60 plaintes déposées !

La polémique sur l'homéopathie et les médecines complémentaires fait rage depuis la publication d'une tribune au vitriol dans « Le Figaro ». 124 médecins y dénonçaient des pratiques « basées sur des croyances promettant une guérison miraculeuse », de « fausses thérapies à l’efficacité illusoire », voire « irrationnelles et dangereuses », mais aussi « coûteuses pour les finances publiques ».

Les signataires réclamaient précisément de ne plus reconnaître « d’une quelconque manière » les diplômes d'homéopathie comme des diplômes ou qualifications médicales. Et ils demandaient aux pouvoirs publics et à l'Ordre de ne plus autoriser à faire état de leur titre les médecins qui continuent à promouvoir les médecines alternatives.  

Exaspéré par cette charge, le Syndicat national des médecins homéopathes (SNMHF) a déposé des plaintes devant l'Ordre à l'encontre de 60 médecins « identifiables » dans la tribune pour « non-confraternité et non-respect du code de déontologie », nous confirme le Dr Bentz.


Source : lequotidiendumedecin.fr
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