À gauche comme à droite, beaucoup de réchauffé

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Publié le 11/02/2022
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Entre surenchère sur la hausse des étudiants formés, aides à l'installation ou tentative de régulation, les propositions en direction des futurs médecins ont des airs de déjà-vu. Mais les docteurs juniors se sont (un peu) invités dans les programmes…
Entre incitations et régulation à l'installation, les prétendants à l'Elysée balancent

Entre incitations et régulation à l'installation, les prétendants à l'Elysée balancent
Crédit photo : AFP

À deux mois du premier tour de la présidentielle, force est de constater que les propositions en direction des jeunes médecins et des étudiants peinent à innover.

À droite comme à gauche, l’augmentation du numerus clausus (ou plutôt du nombre d'étudiants formés dans le cadre des nouvelles filières santé) est toujours avancée comme une recette miracle face à la désertification médicale, même s'il faudra une dizaine d'années pour en tirer les bénéfices.

Les candidats se livrent même à une forme de surenchère sur ce terrain des futurs renforts. « J’accroîtrai les capacités d’accueil de nos facultés de médecine afin qu’elles forment jusqu’à 15 000 nouveaux médecins par an », affirme Anne Hidalgo. Nicolas Dupont-Aignan veut 12 000 carabins chaque année, Éric Zemmour avance le chiffre de 20 000, en « doublant les capacités de formation ». Même « choc » promis par Valérie Pécresse qui souhaite former 20 000 nouveaux praticiens par an. La candidate LR envisage aussi des passerelles permettant aux « personnels paramédicaux ayant déjà cinq ans d'études supérieures de rejoindre le deuxième cycle des études médicales ».

Alors que les doyens de médecine alertent régulièrement sur les capacités de formation déjà saturées, faute d’encadrants et de financement, Jean-Luc Mélenchon jure d'augmenter les moyens des facs de médecine « pour permettre une véritable suppression du numerus clausus ». L'ouverture des vannes ? Quant à Marine Le Pen, elle autorisera un « nombre de places suffisantes » dans les facultés pour « disposer des médecins dont les Français ont besoin », tout en « réduisant drastiquement » le recours aux praticiens diplômés hors Union européenne.   

Le futur président devra composer avec le cadre actuel, ou le réformer à nouveau. Abrogé en 2020, le numerus clausus a laissé sa place à un numerus apertus, établi sur la base d'objectifs pluriannuels. En septembre, un arrêté a gravé dans le marbre le nombre de futurs médecins à former entre 2021 et 2025 :  51 505 soit quelque 10 300 apprentis médecins chaque année, un chiffre assez proche des quotas actuels.

Les docteurs juniors s'invitent 

Petite originalité de cette campagne, plusieurs candidats s'intéressent de près à la fin d'internat et au début de carrière. « Afin d’agir sans délai » contre les déserts, Anne Hidalgo souhaite mettre en place, à la fin du parcours des internes en médecine générale, une année de « professionnalisation » dans les déserts médicaux, à la place de la quatrième année d'internat dans les tuyaux. Les jeunes y auraient le statut de « médecin assistant » avec une rémunération « équivalente au double d’aujourd’hui », soit 3 500 euros par mois. 

Valérie Pécresse propose une mesure similaire – soufflée par le Pr Philippe Juvin – avec le statut de « docteur junior » pour cette quatrième année d’internat de médecine générale. « L’objectif est de mettre en place une année de formation supplémentaire qui s’exercera dans les maisons de santé, dans la région de formation, mais en priorité dans les zones en tension, avec une sorte de compagnonnage », a-t-elle détaillé au « Quotidien ». Objectif : « 3 800 juniors », soit 38 par département. La candidate républicaine favorisera parallèlement les stages en clinique privée (toutes spécialités).

Rengaine

Au-delà des promesses sur la formation initiale, les prétendants à l'Élysée oscillent, selon leur sensibilité, entre mesures incitatives et dispositions punitives pour mieux répartir les médecins sur le territoire. Un recyclage d’idées mêlant régulation des flux en zone surdotée, fléchage des premières années d'exercice dans les territoires fragiles mais aussi aides supplémentaires à l’installation en libéral.

Yannick Jadot défend ouvertement le conventionnement sélectif sur le principe d’un départ pour une arrivée dans les zones déjà bien pourvues. Avec le candidat écologiste, les jeunes médecins devront aussi effectuer leurs deux premières années d’exercice en zone sous-dotée. Du côté de la France Insoumise, on parie sur le recrutement de jeunes médecins fonctionnaires, intention déjà énoncée par le candidat Mélenchon en 2017.

À droite, on mise davantage sur l’incitatif. Valérie Pécresse défend une dotation spécifique de l’Assurance-maladie, par région, « qui permettra d'aider les jeunes médecins à s'installer dans les zones sous tension (...) par exemple dans des maisons médicales ». Marine Le Pen promet que « les aides seront plus importantes pour ceux qui s’installeront dans les déserts médicaux » et annonce une rémunération de la consultation « modulée selon le lieu d'installation ». De son côté, Eric Zemmour propose que l'Etat « embauche en urgence 1 000 médecins ». 

L'équilibre entre vie personnelle et professionnelle, pourtant réclamé fortement par la nouvelle génération, reste l’un des angles morts des programmes, tout comme les conditions de travail des internes à l’hôpital, en dépit des nombreuses études alarmistes sur le sujet.

Léa Galanopoulo

Source : Le Quotidien du médecin