LE QUOTIDIEN : C'est aujourd'hui la 3e journée d'action d'une grève « illimitée » des internes, entamée le 10 décembre. Quel est l'état de la mobilisation ?
JUSTIN BREYSSE : Les internes sont déterminés. 50 % d'entre eux ont prévu de participer à ce « Blue Monday ». Il y aura des manifestations locales, comme des sit-in devant les centres hospitaliers ou des marches dans la ville.
Le 10 décembre, 60 % des jeunes s'étaient mobilisés [34,7 % selon le ministère sur les 31 000 internes]. Les villes de Nîmes, Nice, Marseille, Montpellier et Lyon étaient très représentées. À Marseille, 900 internes ont participé au mouvement et 850 à Montpellier ! Nous avons eu des centaines de réquisitions dont 99 % étaient illégales. Les établissements assignaient d'abord les internes avant les praticiens seniors. L'avocat de l'ISNI en a annulé une trentaine.
Agnès Buzyn propose que les commissions médicales d’établissement (CME) fassent un bilan du temps de travail des internes. Une victoire ?
C'est à côté de la plaque. Notre temps de travail moyen a augmenté d'une heure par semaine par rapport à 2012, passant à 56 heures hebdomadaires. Et sur le temps de formation, seulement une demi-journée sur les deux prévues par semaine est assurée. Avec le manque de personnel et d'investissement dans les outils technologiques, les internes perdent du temps sur toutes les tâches non-médicales.
Les repos de sécurité sont aussi moins respectés. Autre ressenti, difficilement quantifiable : il y a moins de temps de travail « médical » sur notre planning global, car les séjours des patients sont plus courts, il y a plus d'examens complémentaires et donc de facto le temps de synthèse et de constitution des comptes rendus s'allonge.
Que demandez-vous ?
Nous voulons un décompte horaire précis du temps de travail car les dix demi-journées constituant notre semaine ne sont pas bornées. Parfois, certains internes commencent à 5H30, d'autres finissent bien après 20H, des horaires de garde ! Sans décompte horaire, on ne peut avoir d'état des lieux. Les tableaux de services ne traduisent pas la réalité de terrain. Un interne ne peut pas spécifier dans un tableau informatique qu'il est resté après une garde dans le service, ça bloque sur le logiciel. Deuxième point : nous réclamons une sanction des établissements quand il y a des dérives.
La ministre propose de rétablir les demi-gardes. Est-ce une solution ?
Les demi-gardes ne vont pas limiter la charge de travail, c'est même la porte ouverte aux dérives. Avec une demi-garde, on devrait finir à minuit mais on sait que derrière, on peut rester plus longtemps et que le respect du repos de sécurité de 11 heures minimum ne serait pas respecté.
C'est pourquoi nous préférons un financement des heures travaillées au-delà des 48 heures hebdomadaires. Certains internes restent plus longtemps pour répondre aux besoins de service et de formation ; certains sont volontaires, ils méritent d'être rémunérés pour ce travail supplémentaire. En revanche, pour ceux qui ne veulent pas, on doit leur assurer le respect des 48 heures.
Agnès Buzyn propose de revaloriser le docteur junior (phase 3 de l'internat dite de consolidation). Vous semblez inquiet sur l'avenir du post-internat. Pourquoi ?
Le salaire des docteurs juniors a certes été revu à la hausse et équivaut à la rémunération d'assistant spécialiste. Un interne en première année de phase 3 gagnera 32 025 euros brut par an (hors gardes), puis 33 025 euros brut par an en deuxième année. Mais du coup, les postes d'assistants vont perdre en attractivité car personne ne restera à l'hôpital pour un salaire égal et davantage de responsabilités. Nous demandons que les statuts du post-internat soient clarifiés dans le cadre de la refonte du statut unique de PH.
Dans le cadre de la réforme du troisième cycle, quid du « big matching », nouvelle procédure de choix de stage prévue pour mai prochain ?
Nous réclamons un report d'un an, pour les stages de novembre 2021. La concertation n'a pas abouti. On travaille sur les cas particuliers – grossesse ou maladie – , nous rédigeons seulement le cahier des charges. Bref, c'est trop tard pour cette année car personne ne connaît les règles du jeu !
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