Fin de l'exercice isolé, travailler... jusqu’à 22 heures : ce que Macron attend des médecins

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Publié le 18/09/2018

Une réforme aussi attendue valait bien un discours fleuve. Pendant plus d'une heure, Emmanuel Macron a dévoilé ce matin devant le gratin des professionnels du secteur les grandes lignes de la stratégie de transformation du système de santé qu'il porte avec Agnès Buzyn. Recevoir en grande pompe près de 200 représentants du monde de la santé au palais de l'Élysée ne doit rien au hasard, à en croire son locataire. « J'ai souhaité le faire, certains diront du fait de mon long compagnonnage avec cette profession [il vient d'une famille de médecins, NDLR] mais surtout et avant tout pour vous témoigner ma gratitude. »

Emmanuel Macron s'est employé à remercier « étudiants, soignants, médecins hospitaliers et libéraux, chercheurs, universitaires, directeurs d'établissements et d'organismes » pour leur « dévouement extrême » malgré un « mal-être désormais installé profondément ». Pour le président de la République, le système n'a pas su s'adapter aux évolutions de notre société. Si bien qu'aujourd'hui, il appelle à « un véritable changement de paradigme » capable de restructurer le paysage sanitaire « pour les cinquante années à venir ».

Pas de coercition... avant la coercition

Devant l'ampleur de la tâche, Emmanuel Macron souhaite pouvoir compter sur l'engagement et la responsabilité des médecins sur leur territoire. Il rejette ainsi toute forme de coercition. « La contrainte unilatérale venant d'en haut peut faire plaisir aux élus mais elle ne marchera pas [...] ce serait une réponse fallacieuse », reconnaît le chef de l'État pour le plus grand plaisir des syndicats de libéraux.

Toutefois, l'exécutif ne s'interdit pas entièrement l'usage du bâton si la carotte ne suffit pas. « Si nous ne parvenons pas à avoir un système qui, collectivement, organise mieux la répartition sur le territoire, il est évident que ces débats relatifs à la contrainte et à l'obligation d'installation continueront de monter. » Dans l'entourage du président, le bâton prend même des airs d'épée de Damoclès : « Il en appelle à un exercice de responsabilité collective de la part des professionnels de santé avant de recourir à la coercition. »

Pour l'heure, c'est dans un « esprit de confiance et d'action collective » que l'exécutif fixe ses objectifs. « L'exercice isolé doit devenir progressivement marginal, une aberration et finalement disparaître à l'horizon de janvier 2022 », a déclaré le chef de l'État. Mais pour y arriver, il privilégie « l'incitation exigeante » à la contrainte. Ainsi, des mesures financières comme l'aide aux communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) ou le conditionnement de certaines formes de rémunération seront mises en place rapidement.

Organiser la porosité ville/hôpital

Côté permanence des soins, pas question de contraindre non plus. Le président s'est simplement contenté de tourner gentiment en ridicule les querelles qui font rage entre libéraux et hospitaliers sur le sujet. « Ils [les professionnels de ville] devront s’organiser collectivement pour assurer une permanence de soins non programmés de jour, tous les jours jusqu’à 20 heures. Initialement, moi j’étais pour dire jusqu’à 22 heures, mais on m’a dit que j’ouvrais une guerre absolument impossible », a-t-il lancé sous les rires de l'assistance. Et de poursuivre : « Je suis persuadé qu'on peut trouver une solution intelligente jusqu'à 22 heures », en appelant à la responsabilité des médecins de ville.

Changement de pratiques toujours, le chef de l'État a également mis un point d'honneur à favoriser le développement de l'exercice mixte, application du fameux « en même temps » jupitérien au métier d'Asclépios. « Demain, les soignants travailleront de plus en plus en ville et en même temps à l'hôpital », a-t-il proposé. Dans son entourage il se dit même que « dans dix ans, tous les médecins auront un exercice mixte ».

Afin de montrer l'exemple, Emmanuel Macron a lui-même annoncé la création dès 2019 de 400 postes de médecins généralistes à exercice partagé sur les territoires prioritaires, salariés par l'hôpital de proximité ou un centre de santé. L'objectif ? « Montrer par la preuve cette porosité que nous devons organiser entre le système hospitalier et le système libéral. »


Source : lequotidiendumedecin.fr