Il n’y a pas de médecin coordonnateur sans médecin traitant (MT), par contre il y a des MT sans médecin coordonnateur. De là vient le premier gap provoquant quelques tensions entre ces deux professions. Pourtant, il n’est pas envisageable de trouver des EHPAD sans ce binôme. Ce couple est obligé à s’entendre pour la bientraitance de nos aînés.
La loi de cet été (Décret n° 2019-714 du 5 juillet 2019 portant réforme du métier de médecin coordonnateur en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) laisse une trop grande liberté au MT afin de se libérer d’un certain nombre de contraintes inhérentes à son intervention dans ce lieu, notamment par rapport aux demandes de soins non programmées en EHPAD, tout en conservant le suivi habituel de leurs patients chroniques. Vu la non appétence d’un certain nombre de MT à se déplacer en EHPAD, le risque de dérive est majeur.
Il est donc important que ces deux professions se rencontrent afin de fixer des limites à cette opportunité ouverte par la loi : « le médecin coordonnateur peut intervenir pour tout acte, incluant l’acte de prescription médicamenteuse, lorsque le médecin traitant ou désigné par le patient ou son remplaçant n’est pas en mesure d’assurer une consultation par intervention dans l’établissement, conseil téléphonique ou téléprescription. » Il n’est pas envisageable que le médecin coordonnateur devienne ainsi le « super interne » de l’EHPAD palliant le manque de temps des médecins traitants, leur non appétence à l’intervention en EHPAD. Ce recours se doit d’être exceptionnel. Sans rencontres préalables avec les médecins traitants sur les territoires, des conflits risquent de naître.
Une équipe de soins primaires
Il est important de rappeler aussi que vivre en EHPAD est rarement un choix volontaire de nos aînés ; c’est souvent une obligation devant des manques flagrants de la prise en charge de cette population dans notre société. Faisons alors de ce domicile de la personne âgée un lieu de vie avant d’être un lieu de soins. Pour cela, il est important que les médecins traitants s’impliquent dans cette prise en charge. Venir consulter en EHPAD, c’est une façon d'expérimenter le travail en équipe de soins primaires, à condition que le médecin coordonnateur ait formé les équipes de l'EHPAD et rédigé des protocoles qui facilitent les interventions des collègues. Il est un fait qu’actuellement nos EHPAD hébergent de plus en plus des personnes avec des polypathologies concourant à une complexité de la prise en charge rendant difficile ce partage entre les équipes de l’EHPAD et les intervenants extérieurs. Sans compter dans les villes, la difficulté d’accéder à un stationnement permettant la visite.
Je n’ose imaginer la réaction d’un médecin traitant qui verrait un de ses parents sans soin en EHPAD sous prétexte que les médecins du secteur ne veulent plus y intervenir. Sans compter les rémunérations non appliquées selon le statut de l’EHPAD.
Il est vrai aussi que pour des médecins libéraux, l’accès en EHPAD n’est pas toujours facilité ni honoré à son juste prix. Ces faits concourent entre autres à cette désaffection du soin en EHPAD. En tant que trésorier du SNGIE (syndicat national des généralistes et gériatres intervenant en EHPAD), nous sommes intervenus à moult reprises auprès des gouvernances de groupes propriétaires d’EHPAD afin de faire respecter les honoraires et cotations prévus par les conventions qui régissent les rapports entre médecins libéraux et la sécurité sociale. L’EHPAD étant le lieu de vie de nos aînés, il n’est pas normal que les gestionnaires ne reconnaissent pas cela.
Le métier de médecin coordonnateur peut apparaître comme une évolution de carrière pour un médecin généraliste traitant et notre syndicat, le SNGIE, continuera de se battre auprès du ministère pour permettre d’accéder à ce nouveau métier par le biais de la formation continue (favorisant souvent la reconnaissance de ce médecin coordonnateur par ses pairs car issu du même milieu, du même territoire). De même, il est important que la coordination, présente dans tous les champs de la médecine, ne soit pas accaparée par les seuls gériatres.
Je dis donc que l’opportunité offerte par la loi de modernisation de la santé, en reconnaissant les ESP (équipes de soins primaires) et les CPTS (communautés professionnelles territoriales de santé) doit permettre une entente sur les territoires afin que nos anciens puissent accéder aux mêmes soins que tout un chacun.
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