Médecin traitant de douze patients résidant en EHPAD, répartis dans cinq établissements, aux fonctionnements différents, et proche de deux établissements auxquels je n’ai pas accès (l’un géré par le Centre Hospitalier, l’autre par ProBTP), je n’ai que peu de contacts avec les médecins coordonnateurs de ces établissements.
Travailler à la préparation de cet article m’a imposé un regard sur leurs missions. Cela m’a fait prendre conscience, de l’importante source de connaissance, d’information, dont je me prive et par là même dont je prive mes patients.
Cet après-midi encore, confronté à une prise de décision complexe, j’aurais pu, j’aurais dû, faire appel à mon confrère : patiente polypathologique : IRC, PR, IC, anémie multifactorielle, OMI, ulcères chroniques, chute récente, poly-algie à 89 ans, que faire ? Décision fut prise, après échange avec l’équipe soignante et la famille d’une réhospitalisation, via le service des urgences de l’hôpital de proximité. Un autre choix, aurait-il pu être envisagé ? Un échange confraternel avec le médecin coordonnateur aurait permis soit de conforter ce choix, soit de proposer une alternative. Dans tous les cas, le partage de responsabilité m’aurait été d’un grand secours.
J’assiste, aussi souvent que mon emploi du temps me le permet, aux réunions annuelles des intervenants, organisées par les EHPAD, rappelant le fonctionnement institutionnel, et j’invite mes confrères à y participer. Ces réunions pluri-professionnelles sont un moment essentiel de partage d’expériences. Elles nous informent des moyens humains et matériels dont disposent les établissements. Elles permettent de rechercher ensemble des solutions à certains dysfonctionnements. Elles m’ont permis, en tant que président de la CPR Hauts de France, d’informer mes confrères libéraux de la possibilité d’obtenir, pour la plupart de leurs patients, en EHPAD, auprès des services médicaux des Caisses d’Assurance Maladie, l’ALD « poly-pathologie » en se basant sur le remplissage de la Grille de WOOD.
Un manque criant de moyens
Il est toutefois regrettable de constater un manque de moyens attribué aux établissements pour permettre réellement une collaboration médecin traitant/médecin coordonnateur.
À ma connaissance, aucun financement n’est attribué aux EHPAD, pour indemniser les professionnels de santé participant à des temps de coordination. Une proposition pourrait être de prévoir l’équivalent d’une VL (soit 60 €) par résident et par an, réservée à une synthèse annuelle médecin traitant/médecin coordonnateur. Elle pourrait se faire soit en présentiel, soit sur le modèle de la télé-expertise. La participation à ces réunions, des autres intervenants libéraux est à envisager sur une base à définir avec leurs représentants.
L’infirmière en EHPAD a un rôle majeur dans la coordination des soins, j’en suis convaincu. Sans le nier, la mise en place d’un outil de partage d’information, en accord avec le patient ou sa personne de confiance, au sein de la communauté professionnelle, intervenant aux soins et à l’accompagnement du résident, est nécessaire me semble-t-il. Trop souvent il m’arrive de renouveler des prescriptions, sans prendre le temps d’échanger avec tel ou tel intervenant, sur les progrès ou les évolutions du patient. Cet outil d’échange partagé, permettrait au médecin coordonnateur de diffuser auprès des différents intervenants, les informations nécessaires à l’amélioration de leur exercice. Il pourrait faciliter l’élaboration de réunions de synthèse virtuelles centrées sur le patient. Il pourrait être aussi un outil vecteur de formation des différents professionnels, dispensée, entre autres, par le médecin coordonnateur.
Les soins accordés à nos aînés méritent le meilleur de nous-même. Ces soins sont de plus en plus complexes, en raison de poly pathologies plus fréquentes, d’un maintien d’une relative autonomie au prix de traitements parfois « agressifs », et aux associations mal évaluées au-delà d’un certain âge. Seul un travail collaboratif, respectant le rôle et les prérogatives de chacun et associant les compétences de tous, nous permettra d’améliorer encore la qualité des soins et de l’accompagnement en EHPAD.
* MG, Armentières (59)
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