Politique-fiction

Déconventionnement : le jour où les médecins passèrent à l'acte (Ep. 6)

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Publié le 30/12/2016
deconventionnement 6

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Crédit photo : S. TOUBON

Et si les médecins quittaient vraiment la Sécu ? Pour les fêtes de fin d’année, « le Quotidien » s’est livré, avec tout le sérieux requis, à une enquête-fiction. Nous avons interrogé des responsables de l’Assurance-maladie, des syndicats, des parlementaires, des associations de patients… et des médecins dont les réponses ont alimenté les étapes imaginaires de notre scénario-catastrophe. Que tous ceux qui nous ont aidés à bâtir cette fable soient ici remerciés.

RÉSUMÉ DE L’ÉPISODE 5 : Le pays est au bord de l’insurrection. Acculée, Marisol Touraine a lancé le 6 février 2017 un appel solennel aux médecins.

Comment sortir de la crise ? C’est la question posée le 8 février lors du grand forum retransmis sur le site du « Quotidien du Médecin » et sur i-Télé, avec la participation de médecins, d’économistes de la santé et d’anthropologues.

La situation ne va pas pouvoir se prolonger, observent d’abord tous les intervenants. Jean de Kervasdoué a calculé que « si, dans la crise, 10 % des libéraux ont augmenté leurs revenus (généralement les praticiens les plus riches) et 40 % les ont maintenus, 50 % voient leur patientèle se détourner et leurs recettes s’effondrer ».

« Le Sécu-exit a des effets épouvantables pour les patients et intenables pour les professionnels », renchérit Didier Tabuteau. « Les libéraux sont soumis à de formidables pressions, à la fois exogènes, de la part de l’opinion qui ne les suit pas, et endogènes, avec, entre eux, des disparités énormes suivant les spécialités et les bassins de santé. Ils font l’expérience de l’inélasticité de la demande et cela leur coûte le prix fort, à la fois financièrement et moralement. »

Avec d’autres dans les CODTS, le Dr Christian C. continue de rêver tout haut : « Seul le déconventionnement volontaire et unitaire de l’ensemble du corps médical pourra réellement infléchir les choix de nos dirigeants. La grève gênait surtout les patients et peu de nos dirigeants, puisqu’elle ne bloque pas véritablement le système. Par contre, c’est en recouvrant notre liberté d’exercice, un exercice totalement dédié à nos patients et non plus soumis à des règles administratives et statistiques, que nous allons sauver la médecine libérale. »

« Mais, réplique Didier Tabuteau, la réalité dément votre plan jour après jour, votre rêve tourne au cauchemar. » Le diagnostic des économistes de la santé est unanime, comme le résume Claude Le Pen : « Les événements ont révélé que le déconventionnement précipitait les patients vers la médecine administrée et les professionnels salariés tout en ouvrant des boulevards à un système à l’américaine, avec des assurances privées qui rembourseront les patients les plus fortunés. Le déconventionnement massif, c’est le suicide de la médecine libérale ! » « Au passage, remarque Jean de Kervasdoué, le Sécu-exit aura démontré que la vraie valeur du C n’est pas à 23, mais à 250 €, comme aux États-Unis ! »

En fait, « la situation est d’autant plus intenable, remarque Didier Tabuteau, que, fondamentalement, le mouvement n’est pas idéologique et foncièrement anticonventionniste, personne ne demande la mort de la médecine conventionnée, mais la révision de la convention et, à la clé, bien sûr, l’abolition du tiers payant généralisé. Ce qui se passe est tout à fait comparable à une de ces grèves géantes de la SNCF qui paralyse le pays. Au final, après des semaines de chaos, il faudra bien se mettre tous autour de la table. Le Sécu-exit est un moyen, pas une fin. »

« À cet égard, nous ne vivons pas une situation apocalyptique, ce n’est nullement la fin du monde, mais celle d’un monde, se félicite l’ancien patron de la CSMF, le Dr Michel Chassang. On était arrivé au bout du système et grâce aux événements, la nature ayant horreur du vide, on va pouvoir enfin reconstruire autre chose, une autre médecine libérale. »

Philosophe, Marcel Gauchet tire la morale : « Comme le Brexit, ou l’élection de Trump, le Sécu-exit constitue une sorte de révolte plébéienne contre la bienséance politique, économique et sociale, mais surtout il exprime une aspiration des médecins à ressaisir les choix qui engagent leur sort, contre ce qu’ils perçoivent comme une dépossession. Le mouvement est tout sauf suicidaire. Il appelle à la naissance d’un nouveau monde. ». « Alors, conclut “le Quotidien”, c’est la fin d’un monde, pas la fin du monde ? » Acquiescement général !

À suivre ?

Christian Delahaye

Source : lequotidiendumedecin.fr