« Depuis la signature de la première convention, en 1971, la menace du déconventionnement a été régulièrement agitée, rappelle le patron de la chaire Santé de Sciences Po, Didier Tabuteau. C’est un épouvantail brandi par les syndicats et la base pour mettre la pression sur les responsables de l’Assurance-maladie et les gouvernements. »
Somme toute, comme avec l’arme atomique, c’est la stratégie de dissuasion appliquée par les libéraux à l’assurance-maladie. Normalement, personne ne va prendre le risque d’appuyer sur le bouton. Apocalypse du système de santé garanti. Seuls s’y sont aventurés quelques libéraux, moins de mille pour toute la France, souvent dans des situations géographiques ou dans des spécialités très spécifiques. Eux, en général, n’en parlent qu’à demi-mots : le sujet paraît tabou dans le concret, tandis qu’il alimente le buzz dans l’invocation.
La Tamise, pas le Rubicon
À chaque cahot, il revient. Des spécialités et/ou des régions montent au front du déconventionnement : 1995, contre le plan Juppé ; 2001-2002, coordination C20-V30 ; 2003, mouvement des chirurgiens de France, animé par le Dr Philippe Cuq, qui préfère finalement, pour ne pas pénaliser les patients, organiser un exil symbolique : 400 chirurgiens franchissent la Tamise mais pas le Rubicon de la convention et « s’exilent » pour quelques jours à Wembley ; 2004, les coordinations des médecins du Grand Ouest et le mouvement de déconventionnement massif. 213 lettres sont postées à Caen devant les caméras, en mai.
« Nous sommes prêts à faire tout exploser », explique le Dr Stéphane Debrelle, un des leaders de la coordination. Car c’est bien cela, le déconventionnement massif : l’explosion du système.
En 2014-2015, avec la loi santé et le tiers payant généralisé, l’exaspération est à son comble. « Il n’y a aucune autre solution, s’emporte le Dr Christian C. sur lequotidiendumedecin.fr. La grève ? Ils s’en foutent : entre les réquisitions et le banquier qui fait la grimace, ça ne sert à rien et ne gêne personne. DÉCONVENTIONNEMENT ! »
Des syndicats embrayent. L’UFML distribue par la poste et par mail son « kit de déconventionnement ». Le responsable juridique de la FMF, Marcel Garrigou-Grandchamp, explique, arguments techniques à l’appui, que « le déconventionnement est la seule solution pour survivre ». Ça monte. Et ça prend.
L’enquête nationale lancée l’an dernier par MG France, la FMF et l’UNOF montre qu’un médecin sur trois est convaincu et se déclare prêt à se déconventionner « en dernier recours ». Des leaders pètent les plombs : « Putain, ces connards ne veulent rien entendre. Avec la solution ultime du déconventionnement, ils vont finir par comprendre », rugit le Dr Daniel Latil d’Albertas, qui préside le turbulent SMAER (syndicat des médecins d’Aix).
Depuis 1971, les esprits s’échauffent donc régulièrement. Mais des cahots on ne passe toujours pas au chaos. Et si la guerre du déconventionnement finissait par avoir lieu ?
À suivre…
Article précédent
Déconventionnement : le jour où les médecins passèrent à l'acte (Ep. 3)
Article suivant
Déconventionnement : le jour où les médecins passèrent à l'acte (Ep. 5)
Déconventionnement : le jour où les médecins passèrent à l'acte (Ep. 3)
Déconventionnement : le jour où les médecins passèrent à l'acte (Ep.1)
Déconventionnement : le jour où les médecins passèrent à l'acte (Ep. 5)
Déconventionnement : le jour où les médecins passèrent à l'acte (Ep. 4)
Déconventionnement : le jour où les médecins passèrent à l'acte (Ep. 6)
Déconventionnement : le jour où les médecins passèrent à l'acte (Ep. 2)
Jusqu’à quatre fois plus d’antibiotiques prescrits quand le patient est demandeur
Face au casse-tête des déplacements, les médecins franciliens s’adaptent
« Des endroits où on n’intervient plus » : l’alerte de SOS Médecins à la veille de la mobilisation contre les violences
Renoncement aux soins : une femme sur deux sacrifie son suivi gynécologique