Pandémie de Covid-19, vagues d’attentats, plans blancs, épidémies émergentes ou événements NRBC (nucléaire, radiologique, biologique, chimique) : les situations sanitaires exceptionnelles (SSE) mobilisent les équipes d’urgence sans toujours atteindre le grand public. Côté militaire, le service de santé des armées est exposé à la gestion de blessés de guerre en nombre parfois important et prépare l’éventualité de situations plus complexes. Mais du terrain au bloc opératoire, quelle est la mécanique du tri multivictime ? « Celui-ci repose sur des principes, explique le Pr Stéphane Travers, médecin urgentiste au sein du service de santé des armées et médecin-chef de la brigade de sapeurs-pompiers de Paris : optimiser nos organisations pour garantir la qualité des soins au profit du plus grand nombre ; répartir les ressources disponibles lorsque le nombre de victimes dépasse temporairement les capacités de soins ; prioriser les actions thérapeutiques et les évacuations. »
Diminuer la « mortalité évitable »
L’organisation vise alors à identifier au plus vite les patients dont l’état impose la réalisation d’un geste salvateur sur le terrain et/ou une évacuation immédiate. La déclinaison opérationnelle s’exerce à tous les niveaux de la chaîne des secours : sur le lieu de l’événement ainsi qu’en milieu hospitalier, en particulier au bloc opératoire, une ressource limitée. « Le triage en situation multivictime illustre particulièrement l’intérêt d’une collaboration étroite entre les secteurs civil et militaire, souligne-t-il. Cette relation fonctionne dans les deux sens. Le partage constant de compétences et d’expérience renforce la capacité collective à réagir en situation de crise, en s’appuyant à la fois sur la rigueur du quotidien et sur l’adaptation acquise dans les contextes les plus extrêmes – environnements dégradés et prises de décision sous forte contrainte. »
Des critères pour le triage
La priorisation repose sur plusieurs types de critères : médicaux, techniques, organisationnels et parfois éthiques. « Les critères médicaux évoluent finalement peu, estime le spécialiste, d’un conflit ou d’une crise à l’autre : évaluer la gravité, estimer la probabilité de survie, mesurer l’impact d’un geste thérapeutique, déterminer les moyens nécessaires pour stabiliser ou évacuer. Les enseignements issus de conflits du passé restent souvent exploitables. » On se souvient des trains sanitaires lors des guerres mondiales, réapparus durant la pandémie du Covid-19. « Ce qui évolue en revanche, ce sont les outils thérapeutiques, poursuit-il. Une innovation peut bouleverser la hiérarchisation des soins. Les modalités de ventilation ou d’oxygénation ont modifié l’ordre des priorités en 2020, par exemple. »
Les critères organisationnels dépendent quant à eux fortement du contexte : en métropole ou en opération extérieure, en milieu civil ou militaire, en situation d’attaque, de pandémie ou de catastrophe naturelle. L’approche est adaptée au terrain, à la disponibilité des moyens, à la capacité de transport, à la densité des flux de patients et à la nature même de la menace. Le travail de préparation, constant, s’appuie sur « la mémoire collective, les retours d’expérience et notre capacité collective à anticiper des situations imprévues, analyse le Pr Travers. L’avenir se construit et il est probable que de nouvelles technologies viendront prochainement consolider nos outils actuels. »
La SFMU organise les Journées thématiques interactives (JTI) les 8, 9 et 10 octobre 2025 (Brest) sur le thème des situations sanitaires exceptionnelles.
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