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Diabète : l’ère des traitements modernes

Publié le 26/10/2018
Diabète : l’ère des traitements modernes

Pilules et seringues
Lassedesignen / Adobe stock

Un véritable chamboule-tout ! Le contrôle glycémique n’est plus l’unique objectif du traitement du diabète, selon les dernières recommandations européennes et américaines présentées au récent Congrès de diabétologie à Berlin (EASD, 1er – 5 octobre). Désormais, la prévention du risque cardiovasculaire et rénal devient un objectif central. Et à ce titre, les agonistes du GLP-1 et les anti-SGLT-2 avancent en seconde ligne, talonnant la metformine qui conserve sa place en haut du podium. Reste que les anti-SGLT-2 ne sont pas encore disponibles en France.

Comment atteindre un objectif glycémique fixé individuellement en prenant en compte les caractéristiques du patient, afin de prévenir les complications tout en privilégiant une bonne compliance et une optimisation de la qualité de vie ? C’est à tous ces défis que l’EASD (Association européenne pour l’étude du diabète), associée à l’ADA (Association américaine du diabète), propose des réponses en publiant des recommandations actualisées sur la prise en charge de l’hyperglycémie à la lumière des résultats d’études cliniques les plus récents.

L’approche centrée sur le patient et développée selon des algorithmes distincts, adaptés aux profils, pourrait permettre d’obtenir les meilleurs résultats en termes d’équilibre glycémique. Elle aurait aussi l’avantage de donner lieu à des échanges productifs réguliers entre soignants et diabétiques.

Perte de poids et metformine toujours incontournables

En première ligne, la place des mesures hygiéno-diététiques (mieux manger, perdre du poids, faire de l’exercice) et du traitement par metformine est réaffirmée dans tous les cas de figure.

Et pour la première fois, l’option chirurgicale bariatrique est envisagée comme traitement d’appoint chez des patients sélectionnés, à savoir les adultes dont l’IMC est supérieur à 40 (37,5 pour les personnes d’origine asiatique) qui ne parviennent pas à perdre du poids de façon durable avec les mesures non chirurgicales.

Toutes les options thérapeutiques développées en complément des traitements de première ligne sont dictées par le profil individuel du patient, en particulier ses facteurs de risque.

Risque CV : priorité aux agonistes du GLP-1 ou aux anti SGLT-2 dès la 2nde ligne
Lorsque la maladie athéromateuse est au premier plan, les agonistes du GLP-1 (glucagon-like-peptide-1), dont l’effet préventif cardiovasculaire (CV) a été prouvé, et les anti-SGLT2 (sodium-glucose cotransporter 2) à effet CV (si la fonction rénale le permet) sont les traitements de choix.

En cas de maladie rénale chronique prédominante ou d’insuffisance cardiaque, les anti-SGLT2 doivent être privilégiés si la fonction rénale le permet. Chez les patients en insuffisance rénale sévère et dans le cas où les anti-SGLT2 ne sont pas bien tolérés ou contre-indiqués, il est possible de prescrire un agoniste du GLP-1, dont l’effet préventif cardiovasculaire a été prouvé. Parce qu’ils permettent de maîtriser, voire de perdre du poids, les analogues du GLP-1 ou anti SGLT-2 sont aussi des traitements de choix pour les diabétiques de type 2 en surpoids.

Risque d’hypoglycémie : l'embarras du choix

Lorsque le risque d’hypoglycémie est prépondérant, quatre familles médicamenteuses peuvent être prescrites en seconde ligne (selon la disponibilité et le coût) pour minimiser le risque : les inhibiteurs de la DPP4, les agonistes du GLP-1, les anti-SGLT2 (en l’absence d’insuffisance rénale) et les glitazones.

L’ADA-EASD a aussi pris en compte les problèmes d’accessibilité au traitement pour une pathologie qui touche de plus en plus les pays à faibles revenus.
Du fait de la commercialisation de génériques, les sulfamides hypoglycémiants et glitazones sont les traitements les plus adaptés. 

Le recul de l’insuline basale

Lorsque la bithérapie ne suffit plus, une intensification est proposée avec des tri voire des quadrithérapies. Cela « nécessite de prendre en compte l’impact des effets secondaires des médicaments sur les comorbidités, ainsi que le fardeau du coût du traitement », précisent les auteurs. Si le recours aux injectables est nécessaire, les experts préconisent – et c’est l’un des changements majeurs de ces recommandations – de privilégier d’abord les agonistes du GLP-1 par rapport à l’insuline basale. Seule restriction, les cas où subsiste un doute entre diabète de type 1 et 2.

Traitement à revoir, même à l’équilibre

Parce que l’ADA/EASD estime que les nouveaux traitements antidiabétiques sont incontournables dans la prise en charge de l’hyperglycémie du fait de leur effet préventif cardiovasculaire et rénal, l’hypothèse d’un bon équilibre glycémique sans recours à ces molécules est considérée. Trois options sont envisagées. Si le patient reçoit déjà plusieurs antidiabétiques, l’un d’entre eux peut être remplacé par un analogue du GLP-1 ou un anti-SGLT-2. Une baisse d’objectif d’HbA1c peut aussi être proposée, en introduisant un analogue du GLP-1 ou un anti-SGLT-2. Enfin, il est possible de faire des mesures d’HbA1c tous les trois mois et si le taux dépasse l’objectif, d’introduire un analogue du GLP-1 ou un anti SGLT-2.

Des différences marquées par rapport aux recos françaises
En 2017, la Société française de diabétologie a publié un consensus d’experts qui insiste sur la stratégie thérapeutique de deuxième ligne (après la metformine), inhibiteurs de la DPP4, sulfamide et agonistes des récepteurs de la GLP-1 étant considérés comme les trois options à privilégier. Les recommandations ADA-EASD relèguent au second plan deux de ces classes thérapeutiques au profit des anti-SGLT2 au vu de leurs résultats en termes de protection CV. Si la SFD insiste aussi sur la place de l’insuline basale chez les patients en intensification thérapeutique, l’ADA-EASD met en avant pour sa part les agonistes du GLP-1. Quant aux recommandations de la HAS de 2012, elles font la part belle aux traitements historiques (metformine, sulfamide et insuline) en réservant les autres classes thérapeutiques à des situations spécifiques. Mais l’institution est en train de revoir sa copie et une nouvelle mouture devrait être publiée prochainement. Reste à savoir si elle s’alignera sur la position de l’ADA/EASD, alors que les anti-SGLT2 ne sont pas encore disponibles en France.: l

Dr Dolores Level