L’ANALYSE des sous-groupes des patients diabétiques coronariens inclus dans des études antérieures ayant comparé l’angioplastie coronaire à la chirurgie de pontage indiquait que cette dernière pouvait être supérieure à l’angioplastie pour réduire la mortalité totale. Ainsi, en 2000, dans l’étude BARI, étude randomisée prospective, la mortalité totale à sept ans des patients diabétiques ayant eu des pontages coronaires était de 24 % alors qu’elle était de 44 % chez ceux ayant eu des angioplasties coronaires.
Depuis, l’arrivée de nouveaux antiagrégants plaquettaires (notamment des antiGpIIb/IIIa) et surtout des stents actifs a conduit à envisager que les progrès de l’angioplastie coronaire pourraient permettre d’obtenir un pronostic global équivalent à celui de la chirurgie de pontage chez les diabétiques coronariens. Les études récentes ayant analysé le pronostic des diabétiques coronariens indiquaient en effet que la mortalité totale pouvait être équivalente chez ces patients, qu’ils soient traités par pontage ou par angioplastie avec stents actifs. La seule différence importante entre les deux techniques paraissait être une incidence de nouvelles revascularisations coronaires plus élevée après angioplastie coronaire. Toutefois, ces études récentes avaient des limites méthodologiques ne permettant pas de conclusions fermes concernant les diabétiques coronariens, dans la mesure où celles-ci étaient issues, soit d’analyses en sous-groupe, soit d’études manquant de puissance et/ou s’appuyant probablement sur un suivi trop court.
Un résultat sans appel.
L’étude FREEDOM avait comme objectif de déterminer si la chirurgie de pontage coronaire (avec au moins un greffon artériel) pouvait être plus efficace que l’angioplastie coronaire avec des stents actifs pour réduire, à cinq ans, le risque de décès, d’infarctus du myocarde (IDM) et d’AVC chez des patients diabétiques ayant une maladie touchant au moins deux artères coronaires (à l’exception du tronc commun) et pouvant être revascularisés, soit par angioplastie, soit par pontage.
Pour vérifier cette hypothèse, 1 900 patients, inclus dans quatorze centres entre 2005 et 2010, ont été randomisés pour avoir, après une coronarographie, soit une chirurgie de pontage coronaire, soit des angioplasties coronaires.
La seule limite de validité interne de cette étude est d’avoir été, par nécessité, conduite en ouvert.
Au terme du suivi de cinq ans, une réduction nette et significative de l’incidence des événements du critère primaire, de 7,9 % en valeur absolue, a été constatée dans le groupe traité par chirurgie de pontage : 18,7 % contre 26,6 % dans le groupe traité par angioplastie. Ainsi, en cinq ans, un événement du critère primaire est évité pour douze patients traités par pontage plutôt que par angioplastie coronaire.
Il a également été constaté une réduction significative de la mortalité totale (un décès évité en cinq ans pour dix-huit patients traités par pontage plutôt que par angioplastie) et du risque d’IDM (un IDM évité en cinq ans pour douze patients traités par pontage plutôt que par angioplastie) au prix d’une augmentation significative du risque d’AVC (un AVC induit en cinq ans pour trente-cinq patients traités par pontage plutôt que par angioplastie). L’augmentation du risque d’AVC est précoce, probablement consécutive à l’acte chirurgical, alors que la diminution du risque d’IDM est différée et augmente en valeur relative au fil du temps, de même que la diminution de la mortalité totale.
Des pratiques qui doivent changer.
Ainsi, le doute n’est plus permis : si, par rapport à l’angioplastie coronaire, la chirurgie de pontage est associée à un moins bon pronostic à court terme, c’est-à-dire pendant la première année suivant la mise en évidence de la maladie coronaire, elle est associée à un meilleur pronostic au-delà de douze mois avec une réduction significative de la mortalité totale et du risque d’infarctus du myocarde.
Il convient donc proposer préférentiellement une chirurgie de pontage coronaire aux patients diabétiques ayant une maladie coronaire. En conséquence, il faut les informer avant la réalisation de la coronarographie des avantages et risque respectifs des deux modalités de revascularisation, en leur indiquant que la coronarographie ne sera donc pas suivie d’angioplastie dans la foulée s’ils préfèrent, dans leur intérêt à moyen terme, avoir une chirurgie de pontage.
Il faut souligner que l’étude FREEDOM ne renseigne pas sur le bien-fondé du dépistage de l’ischémie silencieuse. Pour cela, il faudrait démontrer que le pronostic de patients ayant une ischémie silencieuse est amélioré par la prise en charge spécifique de la maladie coronaire (traitement médical optimal ou pontage coronaire) par rapport à l’absence de dépistage et/ou l’absence de prise en charge spécifique en cas d’ischémie silencieuse dépistée. Or, d’une part, le dépistage de l’ischémie silencieuse est une démarche qui a lieu en amont d’une éventuelle coronarographie et non en aval et, d’autre part, l’étude FREEDOM n’apporte pas d’informations sur les avantages et risques respectifs du pontage coronaire par rapport au seul traitement médical de la maladie coronaire.
D’après la communication de Valentin Fuster (New York). Main Results of the Future REvascularization Evaluation in Patients with Diabetes Mellitus: Optimal management of Multivessel disease (FREEDOM) Trial.
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