« QUATRE-VINGT-DIX POUR CENT des sujets ayant fait un épisode maniaque vont récidiver, et il faut donc leur apprendre, d’une part, à connaître les facteurs précipitant les rechutes et, d’autre part, à reconnaître les signes prodromiques afin de pouvoir contrôler précocement la rechute », rappelle le Pr Chantal Henry (Créteil). Les facteurs précipitants sont connus : événement de vie stressant, réalisation de projets, perturbations des rythmes circadiens (décalage horaire ou privation de sommeil), saison et prise de médicaments (corticoïdes, interféron alpha…) ou arrêt brutal des antidépresseurs ou des thymorégulateurs.
Tous ces facteurs ont en commun le fait de perturber le sommeil. On sait, de façon empirique, que la privation de sommeil induit une hyperréactivité émotionnelle : le seuil déclenchant les émotions est plus bas et l’intensité des émotions est plus grande. L’imagerie a pu confirmer une activation de l’amygdale en cas de privation de sommeil, or elle est déjà hyperactive chez le bipolaire. « En général, les patients ressentent bien l’augmentation de leur réactivité émotionnelle. Ils doivent apprendre à faire le lien avec la diminution du temps de sommeil et à repérer leur seuil de risque, pour permettre des interventions précoces (contrôle du sommeil et antipsychotiques qui agissent très rapidement sur la réactivité émotionnelle). »
Démence.
La question des troubles cognitifs dans le trouble bipolaire suscite de nombreuses recherches. Selon les études récentes, il existe un déficit cognitif à tous les stades de la maladie. « Un travail danois mené sur plus de 4 000 patients souligne l’impact délétère de ces troubles cognitifs sur l’évolution de la maladie vers la démence. Une demande de PHRC a été faite afin de mener une étude sur ce problème essentiel », a précisé le Pr Jean-Michel Azorin (Marseille). L’impact des antipsychotiques sur ces troubles reste à préciser, les résultats disponibles étant contradictoires. La remédiation cognitive, selon des données encore parcellaires, semble avoir un certain effet positif.
Thérapeutique multicartes.
« Le choix du traitement implique de prendre en compte les données issues de l’evidence based medicine. Pour le choix de l’antidépresseur, le travail de Cipriani publié dans le Lancet en 2009 a permis de construire une hiérarchie des molécules. Pour les thymorégulateurs, les données sont moins claires », a expliqué le Dr Raphaël Gaillard (Paris). Les effets psychocomportementaux et neurobiologiques des médicaments pouvant en partie se recouper, on aura tendance à choisir l’association de molécules ayant des cibles multiples. En outre, le raisonnement doit aujourd’hui se fonder non seulement sur l’impact réceptoriel des molécules, mais aussi sur leur action transductionnelle. Ce qui pose le problème des interactions entre les différentes voies de transduction, du délai d’action inhérent au temps de régulation génique. Enfin, le continuum entre psychose et bipolarité est à prendre en compte, avec sans doute une approche transnosographique.
D’après la session « Toutes dernières » : « Nouvelles lectures de l’accès maniaque et des bipolarités », organisée par le laboratoire Lundbeck, présidée par le Pr Jean-Michel Azorin (Marseille) et le Dr Henry Cuche (Garches).
Article précédent
Quel objectif de consommation ?
Article suivant
Une prise en charge complexe
Optimiser la prise en charge
Quel objectif de consommation ?
Un nouveau regard sur l’accès maniaque
Une prise en charge complexe
Un risque d’actes violents
Grand âge, grands syndromes
Une cause organique détectée dans 20 % des cas
Des relations à clarifier
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024