Explosion des blessures lors des manifestations

LBD : les ophtalmos voient rouge

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Publié le 25/09/2020
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Les blessures par « armes sublétales » ont été multipliées par trois entre 2017 et 2018. Les ophtalmologues, mais aussi les services de chirurgie maxillo-faciale, ont alerté sur la gravité de ces traumatismes dans deux correspondances publiées dans le Lancet (1,2).
Un moratoire est réclamé

Un moratoire est réclamé
Crédit photo : Phanie

Les services hospitaliers d’ophtalmologie ont recensé les cas de traumatismes oculaires liés à l’emploi des « armes sublétales » — grenades, lanceurs de balle de défenses (LBD), etc. — en France entre février 2016 et août 2019 : 43 cas, dont 40 depuis fin 2018. Il s’agissait, pour 25 d’entre eux, de plaie perforante et pour 18 de traumatisme à globe fermé. « Parmi les 20 patients pris en charge à Paris, nous avons pu en suivre 11, en moyenne sur 4,6 mois, commente la Dr Aurore Chauvin (La Pitié Salpêtrière). Tous les segments oculaires peuvent être touchés, mais majoritairement on observe des plaies palpébrales, des œdèmes rétiniens, des hyphema. On retrouve aussi des brûlures conjonctivales, des cataractes traumatiques qui peuvent aller jusqu’à la fracture cristallinienne, des plis rétiniens et des hématomes sous-rétiniens. »

Un pronostic sombre

Sur le plan pronostique, les œdèmes rétiniens isolés, même lorsque l’acuité visuelle (AV) est basse, récupèrent bien. En revanche, la récupération est mauvaise lorsqu’ils s’associent à des délabrements du segment antérieur de type atteinte cristallinienne. À noter, deux cas de patients avec corps étrangers métalliques conjonctivaux associés à une hémorragie intravitréenne suite à un traumatisme par grenade. Une ou plusieurs interventions chirurgicales ont été nécessaires chez 30 patients. Globalement le pronostic des plaies perforantes est le plus mauvais, avec une AV inférieure à 2/10e dans 13 cas.

Les inquiétudes des ophtalmologues sont partagées par les neurochirurgiens et les services de chirurgie maxillo-faciale puisque, sur 43 patients, deux avaient aussi un traumatisme crânien et 37 une fracture orbitaire ou du massif facial.

La dangerosité de ces armes a été rapportée dans d’autres pays, en particulier aux États-Unis, au Moyen-Orient, en Europe et en Chine, mais aucune disposition n’a jusqu’ici été prise pour instaurer un moratoire.

Session Hot topics traumatologie
(1) A Chauvin et al. Ocular injuries caused by less-lethal weapons in France, Lancet Nov 02, 2019. https://doi.org/10.1016/S0140-6736(19)31807-0
(2) R Lartizienad et al. Yellow vests protests: facial injuries from rubber bullets. The Lancet 10-16 August 2019. https://doi.org/10.1016/S0140-6736(19)31764-7

Dr Maia Bovard-Gouffrant

Source : Le Quotidien du médecin