La preuve par l'épreuve

Soyons pragmatiques pour la toux chronique

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Publié le 04/11/2019
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Les nouvelles recommandations cliniques de l'ERS sur la toux chronique reposent en grande partie sur des traitements d’épreuve. Des études seront nécessaires afin de préciser certaines stratégies de traitement.
Le syndrome d’hypersensibilité reste difficile à prendre en charge

Le syndrome d’hypersensibilité reste difficile à prendre en charge
Crédit photo : phanie

La prévalence de la toux chronique dans la population adulte est d’environ 10 %. Chez les spécialistes, deux tiers des consultants sont des femmes et la moyenne d’âge se situe autour de la soixantaine. La toux chronique altère la qualité de vie de la personne malade (troubles du sommeil, incontinence urinaire chez la femme, etc.) mais aussi de son entourage.

Les étiologies d’une toux chronique sont nombreuses et il convient de bien les phénotyper : toux équivalent d’asthme, de la bronchite à éosinophiles, du reflux, d’origine des voies aériennes supérieures (écoulement post-nasal), iatrogénique, idiopathique, réfractaire… « Le syndrome de toux d’hypersensibilité est présent chez de nombreux patients, a tenu à ajouter le Dr Alyn Morice (Cottingham, Royaume-Uni). Il est lié à une plus grande sensibilité des voies de la toux, qui se déclenche dès lors pour de faibles stimuli. Il se retrouve chez la plupart des patients présentant une toux chronique réfractaire mais reste difficile à prendre en charge. »

Le bilan minimal d’une toux chronique repose sur une radiographie du thorax, une spirométrie, la mesure de la fraction expirée du monoxyde de carbone exhalé (FeNO) et de l’éosinophilie sanguine. L’évaluation clinique est la clé du diagnostic et de la prise en charge. Chez l’enfant, la toux chronique est définie comme une toux évoluant depuis plus de 4 semaines. Il est important d’en rechercher la cause exacte et les protocoles sont spécifiques, différents de ceux des adultes.

Il faut savoir arrêter ce qui ne marche pas

Les nouvelles recommandations de l'European respiratory society (ERS) se veulent pragmatiques sur le choix des médicaments à faire en fonction des symptômes, tout en précisant que de nombreuses interrogations subsistent encore, faute d’études.

On veillera d’abord systématiquement à l’arrêt du tabagisme et des inhibiteurs de l'enzyme de conversion (IEC), si présents.

Les corticoïdes inhalés peuvent être utilisés en traitement d’épreuve de 2 à 4 semaines, chez les adultes et les enfants (en cas de toux chronique sèche). En cas de non-réponse à ce traitement empirique, il doit être arrêté. Les experts se disent préoccupés de l’utilisation au long cours de ces médicaments sans la preuve d’une inflammation éosinophilique ou de réponse au traitement. En cas de toux chronique associée à un trouble ventilatoire obstructif stable, l’association corticoïde inhalé/bronchodilatateur de longue durée d’action sera privilégiée, selon les mêmes modalités. Enfin, toujours pendant 2 à 4 semaines, on peut tenter les anti-leucotriènes chez les adultes présentant une toux asthmatique.

Il est recommandé de ne pas prescrire en routine – pour la toux chronique  – des anti-acides, notamment des IPP. En l'absence de symptôme de reflux ou sans reflux acide, ces médicaments sont inefficaces. Chez les enfants, il n’y a pas assez de preuves pour émettre une recommandation à cet égard.

Prokinétiques et neuromodulateurs chez l'adulte

Face à une toux chronique réfractaire, un traitement d’épreuve avec de faibles doses de morphine (5 à 10 mg, 2 fois par jour) est recommandé (forte recommandation). Il peut être arrêté s’il n’y a pas de réponse au bout d’une à deux semaines. La codéine n’est généralement pas recommandée (sauf s’il s’agit du seul opiacé disponible) à cause de la variabilité interindividuelle liée à des facteurs génétiques dans son métabolisme (CYP2D6). Les experts suggèrent aussi de faire un traitement d’épreuve par gabapentine ou prégabaline.

Chez l’enfant, ces traitements neuromodulateurs (opioïdes, gabapentine et prégabaline) ne doivent pas être utilisés en raison des effets indésirables et du manque d’études cliniques.

En ce qui concerne les agents prokinétiques, lors de toux réfractaire il est recommandé de faire un traitement d’épreuve d’un mois par macrolides chez les patients présentant une bronchite chronique, en prenant en compte les programmes locaux de gestion de l’utilisation des antibiotiques. Les biomarqueurs prédictifs d’une réponse aux macrolides ne sont pas connus, pas plus que leur efficacité et tolérance à long terme. Les experts disent ne pas pouvoir se prononcer sur les autres agents prokinétiques, tels que le métoclopramide ou la dompéridone.

Il est suggéré d’essayer un traitement antibiotique chez les enfants ayant une toux grasse chronique – avec une radio et une spirométrie normales et aucun signe d’alerte... Mais ce, sans savoir quel antibiotique préférer, à quelle dose ni combien de temps !

Chez l'adulte, les interventions non pharmacologiques de contrôle de la toux peuvent être utilisées. Des études supplémentaires seront nécessaires pour préciser lesquelles exactement (physiothérapie, etc.).

Session « New clinical practice guidelines for chronic cough »

Dr Christine Fallet

Source : Le Quotidien du médecin