Vécu d’une prescription religieuse

L’interdit sexuel préconjugal, et après ?

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Publié le 12/04/2018
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Crédit photo : PHANIE

Les jeunes croyants pratiquants doivent faire face à la discipline sexuelle qui leur est imposée par leur foi. Pour les personnes appartenant à la mouvance protestante évangélique, tout passage à l’acte avant le mariage est considéré comme un péché. « Les jeunes fiancés peuvent alors se sentir tiraillés entre l’obéissance à cette injonction et le désir bien naturel et légitime de s’aimer de manière plus charnelle », affirme le sexologue André Letzel. D’après lui, le respect ou le non-respect de l’interdit sexuel préconjugal a une influence sur la fonction érotique après le mariage.

Pour vérifier cette hypothèse, il a interrogé 45 couples ayant respecté (ou non) cette prohibition religieuse. Le questionnaire qu’il a développé pour son étude avait pour objectif, d’abord, d’interroger leur vécu de ce temps avant le mariage ; ensuite, il s’agissait de mieux comprendre leur expérience de la sexualité après le mariage, ainsi que durant la période d’apprentissage sexuelle suivant celui-ci.

Après les entretiens, un troisième groupe de couples est apparu : ceux qui avaient décidé d’attendre le mariage pour avoir des rapports sexuels « complets », mais qui avaient malgré tout connu des expériences érotiques orgastiques sans pénétration. André Letzel a fait le choix de rattacher ce groupe à celui des couples ayant attendu le mariage pour avoir des rapports complets. « L’interdit sexuel préconjugal se place clairement autour de la pénétration (et non de la jouissance) », précise-t-il.

Un apprentissage plus long

Les 45 couples francophones et germanophones interrogés étaient mariés depuis moins de 5 ans. Au total, 20 couples ont indiqué avoir attendu le mariage pour vivre des relations sexuelles (45 %), 10 ont eu des échanges érotiques avec jouissance mais sans pénétration (22 %) et 15 n’ont pas attendu le mariage pour avoir des rapports complets (33 %). « Je suis conscient des limites d’une telle étude, qui reste non représentative étant donné le nombre trop faible de participants. Mais des tendances se dessinent. Chez les couples qui avaient attendu le mariage, par exemple, l’apprentissage de la sexualité a été beaucoup plus long que chez ceux qui avaient eu des rapports sexuels durant leurs fiançailles », souligne André Letzel. Les couples ayant transgressé l’interdit conjugal présentaient un taux d’insatisfaction sexuelle après mariage nettement inférieur (4 %) à celui des couples qui avaient respecté l’interdit (21 %).

Des expériences érotiques favorisant la complicité

« Certains couples qui se marient après une longue période de fréquentation (plusieurs années) peuvent également voir la nature de leur relation changer après le mariage. Une fois mariés, ils prennent parfois conscience du fait qu’ils ont plutôt une relation de type frère et sœur, ce qui rend le passage à l’acte difficile, voire impossible. Tout se passe comme si l’attente trop longue avait mis un frein au désir », constate André Letzel.

Les couples qui avaient eu des expériences érotiques sans pénétration avant le mariage ont déclaré que ce choix leur avait permis de diminuer le stress lié à la sexualité une fois mariés. « Ces expériences avaient entraîné une complicité, une découverte progressive du corps de l’autre favorisant une sexualité épanouie après mariage. Pour les couples ayant attendu le mariage pour commencer leur vie sexuelle et érotique, un sentiment était prédominant : celui d’avoir “gagné une bataille” », précise André Letzel. Le soulagement et la fierté d’avoir pu attendre le mariage pour vivre leur sexualité étaient très clairs chez les répondants.

Communication d’André Letzel

Hélia Hakimi-Prévot
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Source : Le Quotidien du médecin: 9656