La petite salle était plongée dans le noir. Impatiente de résoudre enfin ces mystères, elle fit résolument un pas à l’intérieur. La lumière se ralluma, éblouissante, presque blessante. Des cris retentirent tandis que s’entonnait bordélique : « Happy Birthday To You ».
Susie accrocha un sourire à ses lèvres. Elle se sentait contrariée. Elle avait pris goût à son blues de fin d’année et s’en sentait quelque peu dépossédée. Elle se demandait qui pouvait bien avoir eu l’idée d’organiser cette sauterie dans ce restaurant-là. Annie fut la première à venir l’embrasser. Cela ne fit qu’ajouter à son trouble. Annie savait pertinemment que cet endroit était le leur, à elle et à Pierre. Elle eut alors un brusque vertige. Son regard éperdu et douloureux parti faire le tour de la salle, comme à la recherche d’une bombe. Se pourrait-il que lui aussi… ? Mais non. Il n’avait pas osé. Son estomac se noua. L’espoir survit toujours à l’amour.
Tous alors vinrent l’embrasser et lui souhaiter de ce bonheur qui venait de déserter sa vie. Elle fit bonne figure, se demandant comment elle allait leur annoncer qu’elle prenait son service dans moins d’une heure. C’est à ce moment précis que Frédéric se matérialisa devant elle et l’embrassa à son tour. Elle lui retourna un regard interrogateur. Il lui confirma d’un sourire qu’elle n’aurait pas à partir comme une voleuse.
— Vous ne travaillez pas ce soir, Susie !
— Mais… je devais…
— Vous devez vous détendre et profiter de cette soirée.
Elle en resta sans voix. Frédéric était tout à la fois son capitaine et un de ses amis les plus chers. Il lui tendit un verre de champagne avant de lui désigner du menton son ravisseur.
— Kilian, mon neveu ! Il a été courtois, ou devrais-je le punir ?
— Il a bien failli me faire mourir de peur…
— Allons donc, vous êtes sans doute la femme la plus courageuse de Paris, Susie. Mais je vous laisse, tout le monde veut vous fêter.
On la planta bientôt face à une table où s’entassaient au moins deux douzaines de paquets cadeaux. Elle ne tarda pas à pleurer en les déballant. Des mercis, comme des papillons, s’échappaient de sa bouche à la recherche de leur destinataire.
Et lorsqu’enfin elle eut déballé le dernier, tous la regardaient encore avec une sorte d’attente impatiente au bord des lèvres. On la conduisit alors devant un gigantesque carton qu’un gros, nœud maladroitement fait, désignait comme l’ultime présent de ses amis.
— Vous êtes fous !
— Attends donc de voir lui répondit Annie !
Elle défit le nœud d’un seul geste. Ils étaient fous. Elle n’aurait jamais dû dire à son amie qu’elle comptait bientôt s’offrir un de ces gros frigos américains qui lui ferait des glaçons pour l’été. Un frigo... Décidément, même ses cadeaux tombaient à côté. Annie s’interposa et la repoussa en douceur. Elle lui remit une petite enveloppe et attendit qu’elle la lise avant d’ouvrir le devant du carton comme elle l’aurait fait d’une porte de placard.
Pardon !
Pardon !
Pardon !
Je t’aime !
Reprends-moi !
Elle releva la tête. Il était là. Droit comme un I. Tout raide et les yeux fixes. Tout juste vêtu d’un haut-de-forme cabossé, d’une paire de socquettes mauves, d’un caleçon multicolore et d’un de ses merveilleux sourires qu’il tentait en vain de refréner. Tout le monde se mit à applaudir.
Lorsqu’il s’anima enfin et lui tendit les bras, elle éclata en sanglots.
Prochaine histoire courte dans notre édition du 9 janvier
Né à Aurillac en 1958, Jean Chauzy grandit dans une petite cité HLM posée tout au bout de la ville. Il connaîtra là une enfance insouciante et heureuse. Des études à l’école Hôtelière de Souillac le mènent vers une carrière dans le domaine du vin. Il est l’auteur, sous le pseudonyme de James Wouaal, d’un « Éphéméride à l’usage des Mécréants » où il revisite, de manière parfaitement farfelue, la biographie des saints du calendrier.
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