Par Céline Santran
13 h 30
Après trois tours de rocade à me demander comment tuer le temps, je gare ma voiture au parking visiteurs de l'aéroport, et je m’installe dans le hall des départs. J'écoute le petit jingle qui annonce les départs et arrivées des avions, et je suis déjà loin. C'est fou ce que ces quelques notes ont de magique : « Arrivée en provenance de Ouagadougou, vol Air France AF12… Départ à destination de Kuala Lumpur, embarquement immédiat porte 2… »
Le plus incroyable, c'est que même les destinations les moins attrayantes, les plus proches, bref celles dont tout le monde se fiche et où l'on ne rêverait jamais d'aller, ces destinations-là, agrémentées du tududu et de la voix aérienne et mélodieuse d'une hôtesse, prennent soudain des allures de destinations paradisiaques : « Départ à destination de Clermont-Ferrand, vol AF… Arrivée en provenance de Mulhouse-Basel porte 3… » Elle pourrait lire le bottin en verlan que je m'évaderais tout autant…
Ce rythme automatique et lancinant, c'est exactement ce qu'il me faut pour tuer le temps et faire le point sur ces deux dernières années passées à naviguer d'espoirs en désillusions… Tout a commencé avec la première batterie de tests effectuée environ un an et demi après des tentatives vaines de procréation naturelle : analyses de sang, spermogramme, et examen au nom délicieusement poétique de « test post-coïtal de Hünher » qui ne révélèrent rien de très probant. Mon gynécologue complète le tableau par une hystérosalpingographie. Trois Spasfon plus tard, toujours rien de très concluant, tout semblait fonctionner à peu près normalement, retour à la case départ.
Mon spécialiste soupçonne alors une éventuelle endométriose, affection à la fois assez fréquente et complexe.
Une cœlioscopie – avec endométriose, traitée pendant l’opération – plus tard, le gynécologue affirme que tout est désormais opérationnel pour que je puisse enfin être enceinte. Pourtant, les mois passent, et toujours aucune nausée ni envie de fraises à l'horizon…
Mon gynécologue est pourtant un type hors du commun, une sorte de croisement improbable entre Droopy et Dr House. Il a toujours l'air préoccupé et l'œil hermétique du savant en pleine réflexion. Il marche sans canne, mais avec la tête légèrement inclinée sur le côté ou penchée en avant comme si le mystère de la vie était inscrit sur le linoléum bleu azur de la clinique. Il ne rit pas. Quelquefois – rarement – il sourit. Il ne parle pas vraiment, il marmonne, sauf lorsqu'il scrute avec fascination l'écran témoin d'une échographie et mesure la taille des ovocytes qui frétillent bien au chaud dans mes ovaires. Les mots sortent d'un coup, limpides :
— Bel endomètre, neuf millimètres, deux ovocytes dans l'ovaire gauche, dix-neuf et vingt-et-un millimètres, un dans l'ovaire droit, vingt-trois millimètres, pas terrible trois ovocytes, mais on va faire avec…
Ses lèvres se referment aussitôt comme celles d'un agent secret aguerri aux interrogatoires les plus insoutenables. Bon, pour l’accompagnement psychologique, il faudra que je trouve un autre spécialiste…
14 h 15
Le temps bâille et s’étire comme un paresseux… Bercée par le brouhaha ambiant de l’aéroport, je replonge dans mes pensées…
L’été dernier
Après l'échec de la première insémination artificielle, le Livret A a entamé sa descente vers moins l'infini : direction le Kenya. Deux semaines pour tout oublier. Nous n’avons pas choisi la destination au hasard et en matière de dépaysement, nous n’avons pas été déçus…
Prochain épisode dans notre édition du 3 octobre
Avec la collaboration de
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