Modélisation statistique

Des mathématiques pour faire progresser la recherche en cancérologie

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Publié le 20/11/2017
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Crédit photo : Phanie

Directeur de recherche à l'Inria et membre du Centre de mathématiques appliquées de l'École polytechnique (CMAP), Marc Lavielle développe avec son équipe, des outils de modélisation et de simulation numérique pour faire avancer la recherche clinique. Ce travail mené sur ordinateur permet d’obtenir un maximum d’information à partir de données extraites des essais cliniques pour répondre aux différentes questions des médecins, biologistes et industriels du médicament.

Dans le domaine de la cancérologie, les chercheurs de l'équipe de Marc Lavielle s'intéressent notamment à la taille d'une tumeur donnée et à sa croissance. « Nous mettons en place des systèmes d'équations permettant de décrire, chez des patients impliqués dans des essais cliniques (ou des animaux au stade préclinique), la façon dont leur tumeur va évoluer au cours du temps, en fonction de leur traitement. Un des objectifs est de mieux comprendre la variabilité entre les patients. Pour mettre en place ces outils mathématiques, nous nous fondons sur des données d'imagerie médicales des patients », indique Marc Lavielle. Ces nouvelles méthodologies de modélisation statistique sont, ainsi, destinées à aider médecins et biologistes à mieux comprendre et contrôler la croissance tumorale.

Mieux connaître les données individuelles des patients

Les mathématiques peuvent alors répondre à des questions variées, pouvant porter sur un patient spécifique : comment sa tumeur se comporte-t-elle par rapport à celle d'un groupe de patients donnés ? Quels types de fluctuations pourront connaître sa maladie ? « Lorsque cela est possible, nous essayons de combiner les informations d'une cohorte donnée (au sein d'un essai clinique) à des informations individuelles (phénotype, génétique) », précise Marc Lavielle.

Actuellement, dans son laboratoire, ce directeur de recherche mène un projet (en collaboration avec des biologistes de l'école polytechnique et financé par l'Inca) dédié à l'apparition de métastases dans le cancer du sein ou celui de la peau. L'objectif étant d’évaluer la probabilité de voir apparaître des métastases avec le temps et d'identifier des gènes de bons ou mauvais pronostics, gènes prédicteurs de l'apparition (ou non) de métastases. « Pour cela, nous sommes en train de construire un modèle mathématique permettant — pour un profil génétique donné — d'évaluer la probabilité qu'une tumeur apparaisse au bout d'un certain temps », précise Marc Lavielle.

Une aide à la décision médicale

Les modèles mathématiques permettent également de simuler des essais cliniques sur des patients virtuels afin d'optimiser, par exemple, la taille d'un essai clinique (nombre de patients recrutés). Ils donnent des indications aux industriels pour essayer d'anticiper la poursuite ou l'arrêt du développement d'un médicament donné. Des outils précieux pour les laboratoires pharmaceutiques compte tenu du coût important de la recherche en cancérologie.

Les chercheurs de l'équipe de Marc Lavielle collaborent avec des pharmacométriciens (dont le métier est de construire des modèles pharmacologiques) pour mettre des phénomènes biologiques sous forme d'équations mathématiques. « Nous essayons ensuite d'implémenter ces équations dans des logiciels que nous avons développés », ajoute Marc Lavielle. Son équipe a, en effet, créé Monolix et Simulx, deux logiciels qui permettent aux biologistes et aux pharmacométriciens d'ajuster leurs modèles et d'effectuer des simulations. « Nos outils statistiques et/ou de simulation ne sont pas des outils de décision se substituant aux décisions médicales. Au contraire, ce sont des outils d'aide à la décision des médecins et des biologistes, notamment. Sans ces professionnels de santé, nous ne pourrions pas concevoir nos modèles mathématiques », conclut Marc Lavielle.

D'après un entretien avec Marc Lavielle, directeur de recherche à l'Inria et membre du Centre de mathématiques appliquées de l'École polytechnique (CMAP)

Hélia Hakimi Prévot

Source : Le Quotidien du médecin: 9620