Les relations entre tabagisme et diabète de type 2 évoquent de nombreux mécanismes mais les données qui les démontrent sont rares. Il y a peu d’études qui évaluent l’action directe du tabagisme sur l’insulinorésistance ; il est plus facile, en effet, de mesurer la glycémie que la sensibilité à l’insuline quand il s’agit de grands échantillons de population. Néanmoins, plusieurs études mécanistiques suggèrent que le tabagisme réduit la sensibilité à l’insuline. Le tabac est un stimulant sympathique, ce qui peut être une des raisons de l’insulinorésistance. Il entraîne également une vasoconstriction périphérique, en particulier au niveau du muscle, ce qui peut aussi contribuer à son développement. En outre, le tabagisme crée, et cela est clairement démontré, un état pro-inflammatoire, avec augmentation des marqueurs de l’inflammation comme la protéine C réactive, phénomène qui est indépendant des processus infectieux pulmonaires presque toujours présents.
Périmètre abdominal.
Le tabagisme est associé à une adiposité abdominale, à indice de masse corporelle égale. Les fumeurs ont un poids inférieur aux non-fumeurs mais un périmètre abdominal plus élevé à poids égal et donc un facteur de risque cardio-vasculaire surajouté. On sait que le risque coronaire est plus lié à l’adiposité abdominale qu’à l’indice de masse corporelle donc l’adiposité abdominale accrue des fumeurs contribue à l’augmentation du risque de syndrome coronaire aigu. De plus, elle est associée à une augmentation des adipokines et des cytokines inflammatoires.
Certains auteurs envisagent également une toxicité directe du tabac sur les cellules bêta.
Dose dépendance.
Les premières études ayant fait le lien entre diabète de type 2 et tabac datent des années 1990. La Women Health Study (WHS) avait déjà montré un effet dose-dépendant entre la survenue d’un diabète de type 2 et le nombre de cigarettes fumées par jour. En 2007, une méta-analyse (1) qui recensait 25 études prospectives ayant inclus 1,2 million de participants avec un suivi de 5 à 30 ans a montré un risque relatif de diabète de 1,44 chez les fumeurs après ajustement de différents facteurs. Le risque était significativement plus élevé dans tous les sous-groupes par rapport aux non-fumeurs, mais plus important évidemment chez les gros fumeurs de plus 20 cigarettes par jour (RR = 1,61 contre 1,29 chez les fumeurs légers et 1,23 chez les anciens fumeurs).
Tabagisme passif.
Le tabagisme passif augmente le risque de diabète de type 2. À ce propos, il faut citer deux études. La première, parue en 2006 (2), concernait de jeunes adultes suivis pendant 15 ans. Au cours de cette période, 17 % des participants ont développé une intolérance au glucose, plus importante chez les fumeurs (21 %) et les sujets soumis au tabagisme passif (17 %) que chez les sujets indemnes de toute exposition (11 %). La deuxième étude parue en 2009 (3) avait pour objectif de déterminer l’incidence du diabète de type 2 chez les personnes âgées et ses associations avec les facteurs cliniques et le mode de vie en Allemagne ; les résultats ont montré une forte augmentation du diabète de type 2 chez les sujets exposés au tabagisme suggérant une sensibilité accrue des personnes âgées au risque de diabète induit par le tabac.
Arrêt surveillé.
L’arrêt du tabac entraîne presque inévitablement une prise de poids. Cette prise de poids est favorable au développement d’un diabète de type 2, risque qui va diminuer après quelques années de sevrage. Chez les fumeurs, le risque de diabète de type 2 augmente progressivement mais cette augmentation est plus lente qu’après arrêt du tabac. Deux études récentes vont dans ce sens. La première (4) a suivi pendant 9 ans plus de 1 200 adultes indemnes de diabète de type 2. Après le sevrage, le risque de diabète augmente en parallèle avec la prise de poids, puis il diminue au fil du temps. Avant la troisième année d’abstinence, le risque de diabète est maximum et dépasse celui du fumeur actif pour revenir au niveau de risque du fumeur actif entre 3 et 5 ans d’abstinence et diminuer au-delà de 6 ans.
L’autre étude parue en 2012 (5) portait sur le gain de poids à l’arrêt du tabac chez la femme ménopausée. Ce travail prospectif montrait, sur un suivi de 8,5 ans, que l’augmentation du risque de diabète de type 2 concernait essentiellement un sous-groupe qui avait grossi d’au moins 5 kg. Les auteurs signalaient que le retour du risque de diabète des anciens fumeurs revenait au niveau de celui des non-fumeurs au bout de 10 ans environ, et ceci indépendamment du facteur prise de poids. Il faut donc continuer à suivre les anciens fumeurs et à contrôler la prise de poids car il y a encore surrisque de diabète pendant quelques années. C’est dire l’intérêt du contrôle de la glycémie, de l’hémoglobine glyquée, du poids et du périmètre abdominal non seulement pendant la période d’intoxication mais aussi après le sevrage.
D’après un entretien avec le Dr Ivan Berlin, INSERM U 894, CHU Pitié-Salpêtrière, Paris.
(1) Willi C et coll. Active smoking and the risk of type 2 diabetes: a systematic review and meta-analysis. JAMA 2007, dec 12 ; 298(22) :2654-64.
(2) Houston TK et coll. Active and passive smoking and development of glucose intolerance among young adults in a prospective cohort: CARDIA study. BMJ, 2006 May 6 ;332(7549):1064-9. Epub 2006 Apr 7.
(3) Kowall B et coll. Association of passive and active smoking with incident type 2 diabetes mellitus in the elderly population : the KORA S4/F4 cohort study. Eur J Epidemiol. 2010 Jun ;25(6):393-402. Epub 2010 Apr 6.
(4) Yeh HC et coll. Smoking, smoking cessation, and risk for type 2 diabetes mellitus: A cohort study .Ann Intern Med, 2010 152:10-17.
(5) Luo J. Smoking Cessation, Weight Gain, and Risk of Type 2 Diabetes Mellitus Among Postmenopausal Women. Arch Intern Med. 2012;172(5):438-40.
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