Endocrinologie

Diabète, savoir lâcher du lest !

Par
Publié le 18/03/2016
Article réservé aux abonnés
Le diabète n’échappe pas à la sanction des 50 % de patients non-observants. L'« usure thérapeutique » est l’un des grands écueils de cette maladie asymptomatique. D’où une négociation et un ajustement souvent nécessaires entre les projets thérapeutiques du patient et ceux de l’équipe soignante.
diabète

diabète
Crédit photo : BURGER/PHANIE

Le diabète n’échappe pas à la sanction des 50 % de patients non-observants.
L'« usure thérapeutique » est l’un des grands écueils de cette maladie asymptomatique. D’où une négociation et un ajustement souvent nécessaires entre les projets thérapeutiques du patient et ceux de l’équipe soignante.

Dans le diabète,  comme dans beaucoup d’autres maladies chroniques, améliorer l’observance thérapeutique, c’est en prérequis  donner « du sens » à la prise en charge, au sein d’un projet de vie et thérapeutique. « S’intéresser uniquement à l’ordonnance est voué à l’échec », assure le Pr Pierre Fontaine (CHRU de Lille). Néanmoins, le contenu de l’ordonnance, s’il n’est pas l’unique déterminant de l’observance, y prend une part essentielle et demande parfois à être repensé afin que le patient y adhère davantage.

La diabétologue Roxane Ducloux, (HEGP, Paris) parle d’expérience : « On met à plat ce que les patients font, ce qu’ils sont prêts à faire et la négociation peut s’ouvrir mais, en premier lieu, il faut savoir "déprescrire" ou ajouter la mention "si besoin" pour des médicaments dont la pertinence n’a pas été revue depuis des années ». Voire, en début de maladie, savoir reporter l’initiation d’un traitement médicamenteux si le patient le souhaite, en donnant toutes leurs chances aux mesures hygéno-diététiques (MHD). « Ces mesures constituent à mon sens toujours le traitement de 1re intention lors de la découverte d’un diabète (sauf diabète très déséquilibré), souligne le Dr Ducloux. Cela peut permettre de rester un à deux ans - quelquefois moins mais souvent plus (parfois jusqu’à une dizaine d’années) - sans traitement médicamenteux ».

Pour se repérer, la valeur de l'HbA1c reste le guide, et « on débute généralement la metformine si l'HbA1c dépasse 6, 5 % à deux reprises (espacées de 3-4 mois) sous MHD ». L’effet de ce report des comprimés vs observance stricte des MHD a surtout été étudié en prévention où les MHD font mieux que le traitement de première ligne, chez des patients à haut risque.

Lorsqu’un traitement médicamenteux est mis en route, parce que comprendre son traitement rend plus observant, l’intérêt de chaque molécule doit aussi être expliqué de même que son mode d’action, ses effets indésirables potentiels, etc.

Petits arrangements avec les horaires


L’étape suivante, l’aménagement proprement dit de l’observance, c’est tenir compte de l’organisation de vie du patient, ses horaires et ses lieux de repas. Les prises de médicaments du midi sont plus fréquemment sautées, contrairement à celles du début de journée. « Nous limitons donc au maximum les prises du midi », illustre Roxane Ducloux, en transformant une prise « matin, midi, coucher » en « matin, soir, coucher » comme avec la metformine, voire en deux prises, matin et soir si la dose le permet.

Certains sulfamides en trois prises par jour peuvent être regroupés en une prise unique le matin. D’autres, les inhibiteurs de la DPP4 sont déjà en monoprise le matin, voire en deux prises. La répartition peut être ajustée : lorsque le nombre de médicaments est trop important le matin, certains peuvent être repoussés au soir. Et comme se piquer tous les jours est agressif, si l’injection quotidienne d’analogues du GLP1 rebute, il est possible de passer à des formules hebdomadaires.

La simplification peut se faire aussi en prescrivant des formes combinées (inhibiteurs DPP4-metformine, metformine-sulfamide et, bientôt, glycosuriques-metformine, insuline-analogue GLP1). « Une astuce pour favoriser l’observance concerne la metformine, ajoute la spécialiste. 10 % des patients font des diarrhées lorsqu’elle est prescrite à forte dose d’emblée ; des effets secondaires qui peuvent rebuter à vie alors qu’un traitement amorcé à très petites doses augmentées progressivement permet à l’intestin de s’habituer ».

La perte de poids ou l’activité physique ne peuvent se « prescrire » facilement. « Notre principe est que toute amélioration - même minime - est bénéfique, ajoute le Dr Ducloux. Au lieu d’affirmer que seules 30 mn trois fois par semaine sont efficaces, nous préférons le message 30 mn par semaine, c’est déjà bien ! »

Les injections d’insuline basale sont non négociables mais…


Si des aménagements de l’ordonnance (remplacer un médicament mal toléré en changeant de classe, réduire la dose, déplacer les prises) sont possibles avec certains antidiabétiques, en revanche, l’injection d’insuline basale chez le diabétique de type 1 et chez un type 2 sous basal-bolus ne peut être négocié. « Nous négocions plutôt sur la mesure glycémique, explique le Dr Ducloux. à regret certes, mais lâcher du lest est possible vis-à-vis des glycémies capillaires, pour préserver au mieux l’observance. En cas de périodes de refus complet des glycémies chez un diabétique de type 1, il vaut mieux transiger pour quelques glycémies par semaine, insister sur la nécessité des injections d’insuline basale en dose de sécurité et d’insuline rapide, même "à la louche". »

Hélène Joubert

Source : lequotidiendumedecin.fr