L'utilisation de traitements antirétroviraux dans le cadre de prophylaxie pré-exposition (PrEP) des populations à risque ne figure pas encore dans les recommandations de l’OMS pour la prévention des infections par le VIH. Les résultats présentés à la conférence scientifique de la société internationale sur le sida (IAS) donnent cependant une idée de plus en plus précise des futures préconisations.
Des réunions d'experts ont eu lieu, auxquelles a participé le Pr Jean François Molina, du service de maladies infectieuses et tropicales de l’hôpital Saint-Louis (AP-HP). « Une des questions importantes est de savoir si la PrEP à la demande, une spécificité française, figurera dans les recommandations », explique-t-il. Les derniers résultats de l’étude IPERGAY, dirigée par le Pr Molina, devraient à ce titre se révéler déterminants. Depuis 2015, on sait que les hommes ayant des relations sexuelles avec d'autres hommes (HSH) ont un risque d’infection par le VIH diminué de 86 % s’ils entrent dans un programme de PrEP à la demande.
Au bout d’un suivi de 18,4 mois en moyenne, le risque d’infection par le VIH était cette fois diminué de 97 % chez les HSH prenant du Truvada (emtricitabine, tenofovir disoproxil fumarate) en prophylaxie avant et après un rapport sexuel non protégé. L’incidence du VIH était de 0,19 sur 100 personnes-années dans le bras Truvada contre 6,6/100 personnes-années dans le bras placebo.
Efficaces chez les HSH moins actifs
« On nous a fait remarquer que la forte fréquence de prise de Truvada par nos volontaires, 15 comprimés par mois en moyenne, en faisait de facto quasiment une expérience de PrEP en continu », poursuit le Pr Molina.
Afin de réfuter cet argument, le Pr Molina et ses collègues ont réalisé une étude sur un sous-groupe particulier : celui des volontaires ayant des rapports sexuels peu fréquents (5 par mois en moyenne) et prenant moins de 15 comprimés par mois. Ce groupe de HSH serait plus représentatif des patients qui bénéficieraient d’une PrEP à la demande « dans la vraie vie ». Les auteurs ont relevé 6 infections dans le groupe placebo et aucune dans le groupe sous Truvada.
Quel traitement pour quelles populations
Les chercheurs explorent également de nouvelles modalités de PrEP et de nouvelles populations cibles. « II n’y a pas de raison que la PrEP ne fonctionne pas chez les hommes hétérosexuels, mais nous devons encore l’évaluer correctement chez la femme pour qui la pharmacocinétique est différente, précise le Pr Molina. Nous avons commencé des enquêtes dans les salons de coiffure du 10e arrondissement parisien et des femmes migrantes sont intéressées. »
Les experts se posent également la question de la PrEP en application locale, via un anneau vaginal. « C’est globalement moins efficace mais les femmes peuvent l'insérer une fois par mois et coupler le traitement antirétroviral préventif avec un contraceptif », analyse le Pr Molina.
Au cours du congrès, le Pr Raphael Landovitz, de l’université de Californie à Los Angeles, a présenté les résultats de l’étude de phase IIa HPTN 077 sur la tolérance du cabotegravir en injection longue durée, employé dans le cadre d’une PrEP. Les auteurs ont recruté 110 HSH répartis, selon un rapport 3:1, entre un groupe recevant une injection de 800 mg toutes les 12 semaines et un groupe recevant une injection de 600 mg toutes les 4 semaines.
Si les profils de sécurité et de tolérabilité étaient identiques dans les deux groupes, les données de pharmacocinétiques sont à l’avantage de l'injection de 600 mg. Une nouvelle étude centrée sur l'efficacité doit maintenant débuter.
L’inhibiteur de transcriptase inverse non nucléosidique MK-8591 (EFdA) est un comprimé à longue durée d’action développé par Merck, et dont on envisage l’emploi dans la PrEP. Le TAF, remplaçant du TDF, et commercialisé sous le nom de Genvoya par Gilead, est également envisagé, compte tenu de son profil moins toxique que le Truvada. Dernier candidat à la PrEP : les anticorps neutralisants à large spectre VRC01, identifié chez des patients supercontrôleurs, viennent d’entrer dans une étude de phase IIb menée en collaboration par le HIV Prevention Trial Network et le centre de recherche sur les vaccins (VRC).
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