VIH : travailler sur l'observance permet de filtrer les patients éligibles aux traitements de troisième ligne

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Publié le 24/07/2017

Un bon travail sur l'observance permet de maintenir un plus grand nombre de patients infectés par le VIH sous traitement de seconde ligne, et d'assurer une bonne efficacité chez ceux basculant vers un traitement de troisième ligne, selon les résultats de l'essai ANRS Thilao mené en Côte d'Ivoire, au Burkina Fasso, au Mali et au Sénégal, présentés à l'IAS 2017 à Paris.

Le projet Thilao trouve son origine dans les recommandations émises en 2010 par l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Ces dernières préconisent une première ligne de traitement s'appuyant sur des d'inhibiteurs non nucléotidiques de la transcriptase inverse, puis une deuxième ligne composée d'anti protéases, et pas de traitement de troisième ligne en routine (association darunavir/ritonavir et un inhibiteur d'intégrase). « Sur le terrain, nous observions des échecs thérapeutiques, aussi l'OMS a recommandé un renforcement de l'observance », se souvient le Pr Serge Heholié, du site ANRS Côte d'Ivoire.

Une troisième ligne moins nécessaire que prévu

Une cohorte de 201 patients en échec thérapeutique ont été recrutés. Ils ont bénéficié d'un programme de sensibilisation à l’observance qui pouvait prendre plusieurs formes : envoi de SMS, pilulier, visites à domicile, implication des proches… Au bout de 4 mois, en se basant sur les données d'observance et la charge virale (avec un seuil fixé à 400 copies par ml), les médecins devaient prendre une décision : continuer le traitement de seconde ligne ou passer aux molécules de troisième ligne. Les auteurs ont été surpris d'observer que seulement 34 % des patients de l'étude ont été orientés vers le régime darunavir/raltegravir, au lieu des 70 % projetés.

Dans les deux groupes, 51 % des patients avaient une charge virale inférieure à 50 copies par ml et 17 % étaient en échec thérapeutique, c’est-à-dire avec une charge virale supérieure à 400 copies par ml. Une forte proportion était parvenue à atteindre au moins une fois une charge virale inférieure à 50 copies par ml grâce au renforcement de l'observance (77 % chez ceux qui par la suite sont restés sur un traitement de seconde ligne, et 82 % chez ceux qui ont changé). Le traitement de troisième ligne était bien toléré puisqu'aucun effet secondaire grave n'est à déplorer, contre 10 dans le groupe resté en deuxième ligne.

Des tests de résistance ont été réalisés à la fin du suivi, et ont confirmé rétrospectivement que les médecins avaient pris la bonne décision en montrant que le changement de traitement était « approprié » dans 73 % des cas, et le maintien en seconde ligne approprié dans 82 % des cas. Les efforts portés sur l'observance ont donc permis de « filtrer » les patients éligibles au traitement de troisième ligne.

« Nos résultats sont un plaidoyer pour la mesure de la charge virale, estime le Pr Eholié. C'est un outil dont on peut se servir pour éviter de prescrire à mauvais escient des molécules de dernières générations coûtant 3 à 4 fois plus cher. » Pour le Dr Raoul Moh, du site ANRS Côte d'Ivoire, qui a présenté les résultats en session plénière, « nous ne pouvons pas pratiquer en routine des tests de résistance ou des dosages pharmacologiques en Afrique de l'Ouest, l'utilisation de la charge virale couplée à un travail sur l'observance y sont donc très pertinents », poursuit-il.

En Afrique aussi l'arsenal se diversifie

La question du « switch » vers des traitements de 2e et 3e générations va se poser plus fréquemment en Afrique Subsaharienne. « Nous disposons de plus en plus de moyens de suivre la charge virale, explique le Dr Moh. Les patients seront à l'avenir plus souvent sous traitement de seconde ligne, et donc susceptibles de poser la question d'un traitement de troisième ligne ».

Pour l'instant, les proportions restent modestes : au début de l'étude Thilao, en 2010, seulement 3 % de patients des 4 pays concernés étaient sous traitement de seconde ligne, alors que les projections de l'OMS en prévoyaient 20 %. 


Source : lequotidiendumedecin.fr