Que ce soit en termes de population, de consommation d’énergie, d’émissions de gaz à effet de serre (GES), depuis le début de l’ère industrielle, « nos trajectoires ne sont pas durables », constate Jérôme Mousset (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie – ADEME). L’agriculture, par rapport aux autres activités humaines, a un impact environnemental majeur, plus que le transport ou le logement et l’énergie pour certains paramètres.
Les produits d’élevage représentent 30 % de l’alimentation des Français, et 50 % des impacts de GES. Pour autant, « il faut privilégier une approche globale, par régime alimentaire, explique Gabriel Masset (Épidémiologiste de la nutrition, UMR NORT, INRA, INSERM, Université Aix-Marseille) : si on cesse de manger de la viande sans la remplacer, le régime a un impact carbone de – 12 % ; mais si on y substitue des fruits et légumes, l’impact grimpe à + 2,7 % ». On peut diminuer de 20 % l’impact carbone d’un régime en réduisant modérément l’ensemble des produits.
Jérôme Mousset estime quant à lui à 20-30 % les marges de progrès au niveau des processus de production, auxquelles on ajoutera celles des modes de consommation (gaspillage). Dans une optique de développement de l’écoconception, l’ADEME a créé AGRIBALYSE, un indice qui réalise l’inventaire du cycle de vie des principaux produits agricoles français, selon une méthodologie homogène (1). Concernant les bovins viande, une pondération a été faite en prenant en compte la répartition des différents modes de production.
Sont recensées, les émissions de CO2, CH4, N2O, NOx, NH3, SO2 (compartiment air), NO3, Cl-, SO4, NH4+, PO4, P (compartiment eau), qu’elles soient dues aux aliments, aux déjections et éructations des bovins, mais aussi aux carburants, eau, énergies afférentes aux opérations et bâtiments. Au total, 1,9 kg de CO2 est produit pour 1 kg de poids vif bovin en moyenne en France. Sont ainsi calculés des potentiels de réchauffement global (indices GIEC 100a = 12,9/kg poids vif), de consommations des ressources naturelles, renouvelables ou non, d’acidification et d’utilisation des terres, d’eutrophisation des eaux, d’écotoxicité.
Il faut garder à l’esprit que plusieurs unités fonctionnelles sont utilisées, différentes d’une étude à l’autre, et font considérablement varier les évaluations (lire graphique).
D’autres impacts environnementaux, pourtant d’importance majeure, sont encore mal ou pas évalués : émission ou stockage du carbone par les prairies et pâtures, biodiversité, et même tourisme induit. Ainsi, un changement d’affectation des sols, comme celui provoqué par la fin des quotas laitiers, peut être responsable d’un déstockage massif du carbone, mais son impact réel n’est pas vraiment connu.
L’alimentation, pour la FAO (organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture), ne peut être durable que si elle respecte quatre dimensions : non seulement l’environnement, mais aussi la santé, l’économie et le social. Ainsi, le bovin industriel américain est le meilleur convertisseur de carbone de son espèce, produisant 500 g de protéines pour 1 kg de protéines végétales consommées. Alors que le bovin à l’herbe est loin d’atteindre ce rendement, il est le champion de la valorisation du territoire. Les populations humaines vivent autour des pâturages, et les emplois induits par la viande en général sont largement supérieurs aux « emplois végétaux ».
Enfin, différentes échelles d’analyse apportent des conclusions opposées. Selon qu’on raisonne à l’échelle d’un animal (quantité de lait par lactation), d’une exploitation agricole (intrants et effluents sur l’année), d’un bassin de production (repos triennal de la terre céréalière par une valorisation du lin par exemple – utilisé dans la filière bovine « blanc bleu cœur », qui produit des viandes plus riches en oméga 3) ou encore du pays, chacun verra midi à sa porte.
Pour Gabriel Masset, « il faudra intégrer ces données dans des scénarios alimentaires pour identifier des régimes durables de demain ». Quant à savoir ce qui, de la santé, l’économie, l’environnement ou le social, pèsera le plus dans les décisions de demain, « c’est un choix de société, un choix politique », observe Jean-Louis Reynaud (INRA).
Colloque organisé par le centre d’information des viandes.
(1) Toutes les données sont consultables sur www.ademe.fr/agribalyse
Article précédent
Mieux manger pour mieux vieillir
Article suivant
Les anorexiques trouvent du soutien sur le web
Des recommandations nutritionnelles spécifiques après 70 ans
Mieux manger pour mieux vieillir
La viande est-elle durable ?
Les anorexiques trouvent du soutien sur le web
L’exercice physique aigu chez les jeunes
Ode à l’autophagie
Vitamine D : supplémenter ou pas ?
Métabolisme protéique : les cheveux en disent long
Reconnaître une obésité génétique
Inconfort digestif après by-pass
Transition alimentaire
La mucoviscidose en nutrition
Histoires d’eaux
L’étiquetage aura-t-il son feu vert ?
Adapter la consommation aux besoins des patients
La sarcopénie, un risque de dépendance
Quand l’appétit se dérégule
Diagnostiquer la dénutrition du patient âgé
Maintenir le plaisir de manger chez le patient atteint de cancer
L’Académie de médecine s’alarme du désengagement des États-Unis en santé
Un patient opéré avant le week-end a un moins bon pronostic
Maladie rénale chronique : des pistes concrètes pour améliorer le dépistage
Covid : les risques de complications sont présents jusqu’à trente mois après hospitalisation