Liée à une carence d’apports, la dénutrition peut s’accompagner de complications augmentant l’anorexie. Chez la personne âgée, elle engendre amaigrissement, fatigue, risque de chute, de déficit immunitaire et de décès. « Le déficit immunitaire est un signe important de la dénutrition du sujet âgé : les complications infectieuses augmentent les besoins énergétiques et nutritionnels. Et, comme le sujet âgé a des difficultés à augmenter ses apports pour faire face à des besoins accrus, la dénutrition ne cesse alors d’empirer », affirme le Dr Monique Ferry (2).
Il existe une phase où la dénutrition est réversible. Il faut donc la diagnostiquer à temps, avant que les facteurs de risque (infections, troubles psychiques, chutes, escarres…) ne s’accumulent, et mènent le patient à un stade où elle devient irréversible.
Le diagnostic repose sur la perte de poids. « Une perte de 5 % du poids corporel en un mois et de 10 % en 6 mois indique que le patient est dénutri. Chez une personne en surcharge pondérale, cela peut représenter 5 à 8 kg. Un IMC ‹ 21 chez une personne de plus de 70 ans doit également alerter (en moyenne, une personne âgée en bonne santé doit avoir un IMC de 26 ou 27). Les questionnaires et critères biologiques (albumine ‹ 35 g.L-1, MNA global ‹ 17) peuvent aussi orienter le diagnostic », note le Dr Agathe Raynaud-Simon, cheffe du département de gériatrie des hôpitaux Bichat-Beaujon, à Paris.
Tant que la personne âgée est en bonne santé, prend plaisir à manger, et conserve une vie sociale, elle reste relativement protégée de la dénutrition. Mais un événement difficile (chute, décès d’un proche, déménagement en maison de retraite, hospitalisation…) peut suffire à la rendre vulnérable. « Les facteurs les plus puissants de dénutrition sont la dépression, les troubles cognitifs et la dépendance », précise le Dr Raynaud-Simon. Par ailleurs, le fait de faire des régimes restrictifs (sans sel, sans graisse, sans sucre ou amaigrissant) après 70 ans est associé au risque de dénutrition.
Densifier et rehausser le goût des plats
Pour renourrir le patient âgé dénutri, la prise en charge avec un diététicien peut être très utile. Les objectifs nutritionnels se fondent alors sur les repères du PNNS adaptés aux personnes âgées fragiles : 5 fruits et légumes par jour ; féculents à chaque repas ; 3 ou 4 laitages par jour ; viandes, œufs ou poissons deux fois par jour et aucune restriction en matières grasses, sucres et sel. « Ces recommandations doivent, évidemment, être adaptées à l’appétit et à l’état de santé de chaque patient. Les personnes âgées n’ont pas forcément envie de remplir une grande assiette. Pour les renourrir, nous leur conseillons alors d’enrichir leur plat en y ajoutant de la poudre de lait, de la crème, du beurre, du fromage râpé, du jambon ou du bœuf haché, par exemple. Ils peuvent ainsi ingérer un maximum d’énergie et de protéines dans des petits volumes, explique le Dr Raynaud-Simon. En deuxième intention, nous pouvons également médicaliser la prise alimentaire en supplémentant les patients âgés par le biais de compléments alimentaires oraux (produits hyperénergétiques et hyperprotéiques). Pour éviter le risque de chute, une supplémentation en vitamine D est également nécessaire. Enfin, l’activité physique régulière aide le patient âgé dénutri à garder ou retrouver sa mobilité ».
(1) HAS, 2007.
(2) Monique Ferry est ancien médecin des hôpitaux en réanimation puis en gériatrie, chercheur Inserm/Inra/Cnam/université Paris 13 - CRNH Ile-de-France.
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