Cancer du poumon métastatique

Vers une trithérapie ciblée

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Publié le 26/11/2018
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« Dans un environnement compétitif où la recherche reste enfermée dans des silos, nous avons réussi au sein du consortium WIN [voir encadré] cette prouesse de faire travailler ensemble 41 membres représentant tous les acteurs de la cancérologie, unis pour un même objectif ambitieux : améliorer significativement la survie globale à 5 ans des patients atteints d’un cancer, en particulier d’un cancer bronchique non à petites cellules (CBNPC), qui demeure le premier responsable des décès par cancer », déclare le Dr Vladimir Lazar, directeur scientifique et opérationnel du consortium WIN. L’ambition de ce dernier est d’accélérer de façon coordonnée le développement d’une médecine personnalisée accessible à tous les patients. Sa stratégie est de détecter des projets innovants et d’organiser des études cliniques mondiales de validation de nouvelles thérapies ciblées et de nouveaux marqueurs biologiques.

Pour une détection plus précoce

« La création de WIN est partie d’un constat simple : en dépit de progrès thérapeutiques formidables ces dernières années, pour le CBNPC, rien n’a changé depuis plus de 30 ans quant à la survie globale, bien que des progrès aient été obtenus sur la survie médiane. L’efficacité du traitement dépend du stade auquel les patients sont détectés. Ainsi, Des 10 % de patients atteints d’un cancer du poumon détecté au stade 1 et bénéficiant de la chirurgie, 95 % sont en vie à 5-10 ans. À l’autre extrémité, des 60 % de patients atteints d’un cancer du poumon découvert au stade avancé ou métastatique, moins de 3 % sont en vie à 5 ans. Un changement de stratégie est donc désormais devenu nécessaire, explique le Dr Lazar. Notre objectif d’ici à 3 ans est que 50 % des cancers du poumon soient diagnostiqués au stade 1, quand la maladie peut être guérie par chirurgie, d’où le programme Booster de détection précoce. Quant à la survie globale des patients en phase avancée ou métastatique du cancer du poumon, un changement d’approche thérapeutique est indispensable ; c’est le second pilier de la stratégie de WIN pour les cinq prochaines années. »

Une combinaison ciblée à l’essai

La trithérapie de médicaments ciblés, une stratégie inspirée du succès de la trithérapie dans le traitement de la tuberculose et du sida, devrait être plus efficace que ces mêmes médicaments utilisés en monothérapie, qui ne parviennent qu’à des résultats cliniques insuffisants ou limités dans le temps. « Mais, à la différence du sida, le cancer se présente de façon très hétérogène chez les patients, et plusieurs essais seront nécessaires pour tester de nombreuses combinaisons ciblées et pouvoir ainsi traiter un grand nombre de patients », précise le Dr Lazar. « Il faut changer la donne, tant quant à la survie des patients qu’en matière d’économie de santé », affirme-t-il, soulignant que WIN a le potentiel et l’expertise pour tester d’autres associations, et possède les technologies requises pour adapter la combinaison au profil biologique de la tumeur du patient.

L’essai clinique SPRING01 (Survival Prolongation by Rationale Innovative Genomics), approuvé par la FDA et lancé en Europe, aux États-Unis et en Israël, utilise ainsi une combinaison de trois thérapies ciblées (l’anti-PDL1 avélumab et deux inhibiteurs de tyrosine kinase, axitinib et palbociclib) dans le traitement de première ligne des patients atteints d’un CBNPC avancé ou métastatique et dont la tumeur ne présente pas les altérations génétiques EGFR, ROS 1 et MET, ni la translocation ALK. Cette population constitue la vaste majorité des patients atteints de CBNPC métastatique. L’étude permettra également d’évaluer l’efficacité prédictive de l’algorithme SIMS (simplified interventional mapping system) qui établit, pour chaque patient, un score par cible thérapeutique en fonction des anomalies spécifiques de la tumeur et du tissu sain d’origine.

Servant à déterminer la dose, la première phase de l’étude, supportée par la Fondation ARC pour la recherche sur le cancer, semble indiquer que la trithérapie est globalement bien tolérée et efficace dès de faibles doses. « Nous espérons que cette observation sur les premiers patients se confirmera, et que nous pourrons ainsi procurer à de nombreux patients le traitement tant attendu », conclut le Dr Lazar.

 

D’après un entretien avec le Dr Vladimir Lazar, directeur scientifique et opérationnel du consortium WIN

Christine Fallet
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Source : Le Quotidien du médecin: 9705