« La question de l’innovation et des technologies émergentes est essentielle en cancérologie. Aujourd’hui, le débat sur ces sujets se focalise largement sur le coût des médicaments et les difficultés à adapter l’offre de soins tout en conservant un égal accès aux innovations pour tous sur tout le territoire. Il s’agit là d’enjeux majeurs, surtout dans le contexte actuel de traitements de plus en plus coûteux, d’une population vieillissante et d’un système hospitalier qui vit un peu à crédit. Pour y répondre, il faut veiller à analyser la question avec une vision large et un souci d’anticipation », affirme le Dr Amaury Martin, directeur de la valorisation et des partenariats industriels à l’Institut Curie à Paris, et de l’Institut Carnot Curie-Cancer.
Mais, selon lui, les enjeux de l’innovation ne concernent pas uniquement les traitements : « Il est tout aussi essentiel de développer l’innovation dans les domaines de la prévention des cancers et des rechutes, de la qualité de vie des malades, des soins infirmiers, et celui, très vaste, de la prédiction des maladies. »
Il pense aussi que la question de l’innovation médicamenteuse doit être abordée de manière bien plus large : « Il faut s’intéresser à tout ce qui passe avant l’arrivée d’un nouveau traitement innovant sur le marché, et se poser des questions importantes : Qui est à l’origine de cette innovation ? Qui a investi au départ ? Quel parcours a-t-elle suivi jusqu’au patient ? C’est essentiel, car c’est en regardant ce qu’il y a aujourd’hui sur les étagères des chercheurs dits fondamentaux qu’on trouvera ce que seront les traitements de demain en cancérologie. Le vivier de l’innovation se trouve dans les laboratoires de recherche d’institutions publiques, comme l’Inserm ou le CRNS, ou privées à but non lucratif, comme l’Institut Curie, et des universités. » Il est donc nécessaire de soutenir financièrement cette recherche fondamentale et tout ce qui peut aider à sa valorisation, notamment les partenariats avec les entreprises qui assurent leur développement.
Soutenir les start-up
« C’est un des enjeux des Investissements d’avenir. Il est essentiel que la France se mobilise comme les font par exemple les États-Unis, qui investissent massivement pour aider leurs universités à déposer des brevets et à les commercialiser et soutenir les équipes dédiées à cette activité », insiste le Dr Martin, en soulignant la nécessité, pour les institutions de recherche, de développer et de soutenir des start-up : « Ce sont souvent ces petites entreprises qui peuvent le mieux conduire le développement précoce d’une innovation en cancérologie. Et je crois que les grands centres de recherche ont tout intérêt, quand ils le peuvent bien sûr, à les soutenir. D’autant qu’à terme elles peuvent être revendues très cher, ce qui permet de recueillir des fonds pouvant être réinjectées dans la recherche. »
Autre piste d’amélioration, le dialogue avec les acteurs industriels et leurs chercheurs. « C’est indispensable pour développer l’innovation. Mais ce doit être un dialogue de proximité, ce qui suppose d’avoir en France des interlocuteurs disponibles. Or, on constate que beaucoup de centres de recherche industrielle sont localisés dans d’autres pays. L’enjeu est donc que notre pays reste attractif, notamment dans le domaine des essais cliniques, pour que l’industrie pharmaceutique développe chez nous des filiales qui ne soient pas uniquement des filiales commerciales. C’est le pari qu’ont fait par exemple la Belgique et l’Allemagne, mais, dans ces deux pays, on constate que le remboursement des médicaments arrive souvent très vite après l’AMM européenne. Ce qui est encore loin d’être le cas en France », regrette le Dr Martin.
D’après un entretien avec le Dr Amaury Martin, directeur de la valorisation et des partenariats industriels à l’Institut Curie à Paris, et directeur de l’Institut Carnot Curie-Cancer
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