Selon les récents travaux d’une équipe de l’Inserm, les enfants dont les apports en graisses sont faibles avant l’âge de deux ans ont, paradoxalement, plus de risque d’être en surpoids à l’âge adulte.
Pour arriver à cette conclusion, les chercheurs ont suivi 73 enfants nés entre 1984 et 1985 jusqu’à l’âge de
20 ans. Leur alimentation a été analysée à 10 mois, 2 ans puis tous les deux ans. Ceux dont les apports en lipides entre 0 et 2 ans étaient faibles présentaient, à l’âge adulte, une masse grasse abdominale plus importante. Leur taux de leptine, hormone qui régule l’appétit, était aussi plus élevé. Pour Marie-Françoise Rolland-Cachera, co-auteur de l’étude, ces résultats ne sont pas surprenants. « Au cours des deux premières années de vie, l’organisme s’adapte à son environnement. En cas de régime pauvre en lipides, le métabolisme se programme pour faire face aux déficits si bien qu’il n’est pas préparé à une alimentation qui deviendrait plus riche en lipides », explique-t-elle. Des observations qui pourraient bien expliquer l’épidémie d’obésité. « Elle a démarré il y a une dizaine d’années parallèlement à une baisse importante des
apports en lipides chez les enfants », remarque-t-elle. Des apports très inférieurs aux recommandations de la FAO et que l’on observe dans de nombreux pays. « Chez la plupart des enfants de 6 mois de notre cohorte mais aussi d’autres études internationales, ils ne dépassent pas 30 % de l’apport énergétique total alors que les recommandations officielles de la FAO sont près du double puisque de 50 à 60 % », précise-t-elle. Un déséquilibre d’autant plus flagrant que le lait maternel est naturellement très riche en lipides. « 55 % de son contenu énergétique est sous forme de lipides. » Pour elle, c’est en voulant préserver les enfants de l’obésité que les apports en lipides auraient diminué, notamment en favorisant leur consommation des laitages demi-écrémés plutôt qu’entiers. Or, ces lipides sont essentiels à la croissance de l’enfant.
Un lait maternel naturellement riche en graisses
Selon Philippe Guesnet, chercheur en neurobiologie des lipides à l’INRA, un nourrisson âgé d’un mois nourri au sein ingère près de 30 g de triglycérides par jour. « Rapporté au poids corporel, c’est 3 à 5 fois supérieur à ce qu’ingère un homme adulte », compare-t-il. Une alimentation hyperlipidique qui est nécessaire à la croissance rapide du nouveau-né et aux étapes essentielles de la formation de son tissu nerveux. Rappelons que 50 à 60 % de la masse sèche d’un cerveau adulte est constituée de graisses. Et les besoins en lipides sont complexes si l’on se réfère au profil d’acides gras du lait maternel. Les acides gras saturés y constituent près de la moitié des acides gras totaux. Les acides gras mono-insaturés représentent le deuxième groupe d’acides gras le plus présent (40%). Ces deux groupes d’acides gras servent principalement de carburant énergétique.
Enfin, les acides gras polyinsaturés oméga-6 représentent 12, 5 à 15 % du total tandis que ceux oméga-3 comptent pour 1 à 1.4 %. Ils ont un rôle majeur dans le développement des cellules nerveuses et des membranes synaptiques.
Lait infantiles : une formulation perfectible
La plupart des laits infantiles reproduisent plus ou moins fidèlement le lait humain. « Les teneurs en précurseurs des acides gras poly-insaturés des laits infantiles sont très élevées suite à la législation n’autorisant que l’utilisation d’huiles végétales », indique Philippe Guesnet. Le double par rapport au lait maternel. Or cet excès en acides gras poly-insaturés précurseurs pourrait, paradoxalement, être préjudiciable. « Plusieurs études suggèrent que de tels apports pourraient, par des jeux de compétition, limiter la biosynthèse naturelle des oméga-3 longues chaînes, en particulier l’acide docosahexaénoïque (DHA). » Un acide gras essentiel au développement cérébral du nourrisson. Cette hypothèse a été validée par plusieurs études dont des données cliniques chez des enfants allaités artificiellement. Dans ce contexte, le consensus actuel est en faveur de l’adjonction de DHA préformé dans les formules infantiles. Enfin, ces mêmes études ont mis en avant la supériorité nutritionnelle de la matière grasse laitière par rapport à l’huile de palme. Il semble donc, au final, que l’allaitement reste le meilleur moyen de répondre aux besoins en lipides du nourrisson.
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