Chez nous, la vague est arrivée le week-end du 21 mars. Le téléphone n'a pas arrêté de sonner. Tenon, Lariboisière, la Pitié-Salpêtrière, Bichat, Beaujon… Quasiment tous les hôpitaux de l'AP-HP nous ont appelés. En trois jours, 24 patients Covid-19 ont été admis. Nous n'avons pas pu accueillir tout le monde. Il fallait réorienter. Aujourd'hui certains patients sortent de réanimation, ça libère des lits mais ce n'est pas suffisant. On accepte à peine 10 % des demandes. Ça devient un peu tendu.
En tant qu'interne, l'encadrement est maintenu et les chefs sont très présents. Mais ça pousse à avoir beaucoup plus d'autonomie. Avec mon co-interne, nous avons appris beaucoup en très peu de temps. Mais c'est aussi beaucoup de fatigue. De six, nous allons passer à huit ou dix gardes par mois. En ce moment, on n'a que des repos de garde. Soit on travaille soit on dort. Il y a encore deux mois à tenir, ça ne va pas être évident.
Sur le plan personnel c'est une belle claque d'humilité. On se donne tous à 100 %, il y a une vraie émulation et beaucoup de solidarité. Mais on remarque qu'on n'est pas tout-puissant. On prend conscience d'être face à quelque chose qui nous dépasse autant sur le plan des moyens que sur le plan thérapeutique. Un syndrome de détresse respiratoire reste une pathologie où la thérapeutique principale c'est le temps. On aide les patients avec un respirateur et une circulation extracorporelle quand on a la chance de pouvoir le faire mais aucun médicament ne permet de soigner les poumons, il faut attendre. Nous sommes là pour leur donner du temps.
Il ne faut pas sous-estimer ce virus. Au début, alors qu'on connaissait mal la maladie, beaucoup de médecins disaient que ce n'était qu'une grippe. Il faut toujours rester prudent. Médecins, citoyens, gouvernement, nous allons tous peut-être adopter une vision à la Roselyne Bachelot : mieux vaut être trop prudent que pas assez.
Corentyn Ayrault, 25 ans, interne en réanimation à l'hôpital d'instruction des armées de Percy (Hauts-de-Seine)
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