À quoi ont servi les URPS ?

En Normandie, le Médicobus roule contre le désert médical

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Publié le 26/03/2021
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« Le Quotidien » poursuit son tour de France des URPS en présentant dans chaque région un projet emblématique. Zoom sur la Normandie où circule depuis novembre 2020 un cabinet médical mobile dans les territoires déficitaires en médecins.

Crédit photo : DR

Dans l’est de l’Orne, un nouveau modèle d’offre de soins, soutenu par l’Union régionale des médecins libéraux, vient de voir le jour : le Médicobus. Un cabinet mobile qui sillonne les routes du Perche et du Pays d’Ouche, territoires où le désert médical avance. Ce projet est porté depuis deux ans par la communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS), avec le soutien de l’ARS, du conseil régional, de la CPAM et de la préfecture de région.

Depuis novembre 2020, le camion équipé pour la consultation médicale par la société Dok’ici (table d’examen, échographe, ECG, matériel ophtalmologique, de prélèvements, point d’eau…) s’arrête dans les villages pour prendre en charge des patients sans médecin traitant (un habitant sur neuf du territoire de la CPTS) ou dont le praticien habituel est indisponible, et ayant besoin d’une consultation médicale dans la journée.

60 euros net de l’heure

Sept communes sont ainsi visitées au rythme d’une à deux par jour. Douze médecins dont quatre à cinq retraités se relaient à bord du véhicule, du lundi au vendredi. Comme la CPTS ne pouvait pas embaucher directement, elle a dû créer une association portant un centre de santé qui permet de salarier les médecins et deux assistantes médicales (assurant l’accueil des patients mais aussi des conseils d’éducation thérapeutique après la consultation).

Le temps de travail des médecins varie selon leur disponibilité. « Nous payons les praticiens 60 euros net de l’heure plus les indemnités de déplacement », explique le Dr Jean-Michel Gal, à la fois président de l’Ordre départemental des médecins de l’Orne et de la CPTS. « On rend service aux patients. Au départ, chaque médecin assurait trois ou quatre consultations. Aujourd’hui, le Médicobus prend en charge jusqu’à 25 patients par passage et la marge de progression est importante. Ici 24 % des médecins généralistes ont plus de 65 ans », ajoute-t-il.

Pour contacter le Médicobus, le patient appelle directement un numéro de téléphone donnant accès à l’assistant médical, qui alerte la cellule de coordination des soins non programmés installée à Caen. C’est cette dernière qui se charge de la régulation et, le cas échéant, d’orienter le malade vers le cabinet mobile. Selon le Dr Gal, « 60 % des appels relèvent de patients sans médecin traitant et 24 % proviennent de ceux ayant un médecin non disponible ».

Un fourgon qui dépanne

Pour mener à terme ce projet, le patron de la CPTS a dû surmonter de nombreux freins dont le recrutement de médecins volontaires. « J’en avais trouvé dix mais, après le Covid, il ne m’en restait que trois. Heureusement que j’ai réussi à convaincre des praticiens retraités ainsi que des adhérents de la CPTS ».

Le Dr Maryannick Jaouen est l’un d’eux. La généraliste de 65 ans a arrêté son activité depuis 2019. « Je m’ennuyais alors j’ai accepté de travailler une journée par semaine à bord du bus, reconnaît-elle. C’est une bonne idée pour dépanner les patients sans médecin traitant. » Le Dr Jean-Pierre Pigalle est lui aussi ravi. Retraité depuis quatre ans, le généraliste assure des consultations une journée par semaine pour garder « le contact avec la médecine ». Depuis le début de la campagne de vaccination, le Médicobus propose aussi de piquer des patients éligibles. « Cette semaine, j’ai vacciné 18 personnes en un après-midi », témoigne le retraité.

Pour le Dr Antoine Leveneur, président de l’URML Normandie, ce dispositif expérimental « monte en puissance » et pourrait gagner d’autres territoires (dans l’Eure par exemple). « Le Médicobus est une brique d’organisation qui s’appuie sur la cellule de coordination libérale pour répondre aux demandes de soins non programmés, une mission de la CPTS », rappelle le généraliste.

Le dispositif réclame 500 000 euros par an pour son fonctionnement (salariés, frais annexes). Il a reçu des aides financières de la préfecture de région (480 000 euros sur quatre ans), de l’ARS (896 000 euros sur cette période) et du conseil régional (75 000 euros). 

Loan Tranthimy

Source : Le Quotidien du médecin