IL EXISTE de nombreuses études sur les cancers du sein qui surexpriment HER2 (10 à 15 % des cancers) et sur les cancers dits « triples négatifs » (qui n’expriment ni le récepteur à l’œstradiol, ni celui à la progestérone, ni l’HER2…) En revanche, pas de nouvel essai important pour la grande majorité des cancers du sein que sont les cancers luminaux. Ce qui n’empêche pas que des voies de réflexions sur de nouvelles modalités thérapeutiques se dessinent. Les cancers du sein luminaux (groupes A et B) sont dits hormonodépendants, ils expriment les récepteurs aux estrogènes et à la progestérone.
Les cancers luminaux A sont les plus hormonosensibles, les moins proliférants et donc de meilleur pronostic. Quant aux cancers luminaux B, ils expriment moins les récepteurs hormonaux, en particulier ceux à la progestérone, certains d’entre eux surexpriment les récepteurs HER2. Ils sont plus proliférants et de moins bon pronostic que les luminaux A. Élément important dans la caractérisation de ces cancers : le degré de prolifération. Celui-ci est déterminé par le marqueur Ki-67, anticorps spécifique d’un antigène exprimé par les cellules en prolifération. On admet qu’un Ki-67< 15 % signifie que moins de 15 % des cellules tumorales sont en division et caractérise donc des tumeurs moins agressives que celles présentant un Ki-67› 15 %. À savoir, le Ki-67 est très fortement corrélé au grade de la tumeur.
Un curage ganglionnaire parfois évitable.
À partir de ces données, on s’est attaché à sélectionner les patients et à envisager des modalités thérapeutiques éventuellement plus efficaces. Cliniquement, on n’observe pas de différences entre les cancers luminaux A et luminaux B. Ils sont tous deux dépistés le plus souvent lors de la mammographie systématique mettant en évidence des opacités voire des microcalcifications.
La conduite thérapeutique est de réaliser une tumorectomie ou une exérèse sous repérage radiologique, puis, le plus fréquemment, une exérèse du ganglion sentinelle. Si celui-ci est envahi, un curage de la chaîne ganglionnaire est réalisé afin d’adapter secondairement la thérapeutique en fonction de la diffusion locorégionale du cancer du sein.
On se pose aujourd’hui la question de savoir si on peut éviter ce curage chez certaines femmes, plutôt âgées, présentant des cancers luminaux A répondant bien à l’hormonothérapie. Dans ce cas, le curage ganglionnaire est réalisé à visée pronostique car il n’est pas toujours curateur. La décision de désescalade thérapeutique est difficile à prendre car il plane toujours le risque de récidive locale ou générale.
Autre question qui peut faire débat : faut-il continuer à toujours associer la chimiothérapie adjuvante (anthracyclines +/- taxanes) à l’hormonothérapie lorsqu’il existe un envahissement ganglionnaire, notamment pour les luminaux A qui répondent très bien à l’hormonothérapie ? Si l’analyse des données cliniques révèle que l’association chimiothérapie adjuvante/hormonothérapie donne des taux de guérison supérieurs à ceux de l’hormonothérapie seule, cela n’est peut-être pas vrai pour les cancers luminaux A peu proliférants. Il faut donc définir le plus précisément possible le profil des patients qui pourraient bénéficier de cette seule hormonothérapie… Tout en sachant que certains cas ne se discutent pas comme, par exemple, les tumeurs avec un Ki-67› 15 % de haut grade et exprimant faiblement les récepteurs hormonaux : elles doivent toujours bénéficier de l’association hormonothérapie-chimiothérapie adjuvante. Les patientes porteuses d’un cancer de grade 1, très peu proliférant, peuvent en revanche faire l’objet d’une discussion collégiale. Mais elles représentent de petits sous-groupes à évaluer au cas par cas. Autre bémol à une hormonothérapie seule : une femme porteuse d’un cancer luminal de bon pronostic peut voir son hormonosensibilité varier au cours du temps.
L’irradiation évolue aussi.
La question de la désescalade thérapeutique se pose également pour la radiothérapie. Il est évident, d’après toutes les données disponibles, que la radiothérapie adjuvante est systématique après chirurgie conservatrice. Elle vise tout le sein avec un surdosage sur la zone de tumorectomie et les aires ganglionnaires en cas d’envahissement. Cependant, l’irradiation partielle semblant aussi efficace pour les cancers peu agressifs luminaux chez les femmes de plus de 60 ans qui ont bénéficié d’un traitement conservateur. En d’autres termes, se pose la question de l’opportunité d’une radiothérapie agressive dans ces cas-là. Des essais sont en cours dans ce sens.
D’autres essais (prometteurs), réalisés également chez des patientes porteuses d’un cancer de bon pronostic, concernent l’administration d’une dose unique de radiothérapie en peropératoire sur le lit tumoral après tumorectomie. L’ensemble de ces considérations révèlent la complexité des cancers du sein, de leur éventuelle hormonosensibilité, de l’évolution de celle-ci dans le temps et imposent évidemment la prudence dans les éventuelles modifications des démarches thérapeutiques.
D’après la communication du Dr Marc Espié (hôpital Saint-Louis, Paris).
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