Microbiote et digestion : un défi pour les coliques du nourrisson

Publié le 21/11/2014
microbiote

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Nouvelle dénomination de la microflore intestinale, le microbiote intestinal est un véritable organe caractérisé par une forte concentration en bactéries, plusieurs milliards présentes sur une surface restreinte. Il contient en effet mille fois plus de bactéries que la voie lactée d’étoiles pour une surface équivalente à un terrain de tennis. Cette concentration explique les difficultés rencontrées pour modifier le microbiote intestinal : la seule façon de le modifier complètement est la transplantation fécale, et donc « l’ingestion » des selles d’un autre individu. Les autres interventions ne peuvent avoir qu’un impact partiel, sur une part limitée du microbiote
Il existe trois façons de modifier partiellement et temporairement le microbiote par l’alimentation. 
- l’ingestion quotidienne de probiotiques, flore avec des germes vivants qui colonisent le microbiote intestinal au fur et à mesure. Dès leur arrêt, la flore antérieure reprend sa place ; 
- l’administration de prébiotiques, sucres non digestibles qui permettent la croissance des probiotiques ;
- la consommation de ferments lactiques, qui sont des probiotiques tués avec leur surnageant. Le premier de ces ferments ayant montré des effets positifs est le yaourt.  
Selon les analyses Cochrane, les effets au long cours des probiotiques et des prébiotiques dans la prévention des allergies ou des infections est controversé. Celaest en partie lié à l’effet spécifique de chaque pré- ou probiotique et donc à l’impossibilité d’extrapoler les résultats, ainsi qu’à l’impact de la quantité et de la concentration ingérées. 

Troubles fonctionnels intestinaux

Dans les TFI du nourrisson et du petit enfant, définis par les critères de Rome 3 et surtout représentés par les régurgitations, la diarrhée fonctionnelle, la constipation et les coliques du nourrisson, la recherche est très active mais les résultats contradictoires. Seule certitude : chez les enfants souffrant de coliques, le microbiote présente une moindre diversité bactérienne et une pauvreté en lactobacilles, sans que l’on puisse toutefois établir s’il s’agit d’une cause, d’une conséquence ou d’une association fortuite sans lien de causalité. 
Au niveau clinique, les travaux d’une équipe italienne (1) ont montré, versus placebo, une réduction significative de la fréquence de la constipation, des coliques et des régurgitations chez les enfants recevant un probiotique en continu (Lactobacillus reuteri à raison de 5 gouttes/jour). Malgré les limites méthodologiques des études (notamment l’absence d’analyse de selles), ces résultats ont suscité beaucoup d’espoirs. Plusieurs publications d’une autre équipe italienne (2) et d’une  équipe polonaise (3) ont également souligné l’efficacité de l’ingestion de Lactobacillus reuteri, versus placebo, sur les coliques de nourrissons allaités au sein.
Mais les résultats de la seule étude académique  multicentrique (4) , menée en Australie chez des nourrissons nourris au sein ou au biberon ont jeté un pavé dans la mare en montrant l’absence d’efficacité, voire un effet délétère, du probiotique Lactobacillus reuteri sur les coliques du nourrisson. En outre, les analyses de selles avec recherche d’une inflammation colique (par le biais du dosage de la calprotectine fécale) ont conclu à l’absence d’irritation du colon chez ces nourrissons souffrant de coliques. 
Aujourd’hui, les bénéfices de ces approches dans les coliques du nourrisson suscitent donc  une véritable interrogation.

Régurgitations, constipation

Dans les régurgitations, à côté des études de Flava Indrio, un autre travail a mis en évidence une amélioration de la vidange gastrique avec le probiotique, ce qui est peu concluant. Dans la constipation, une seule étude a souligné un impact bénéfique potentiel (ramollissement des selles). 
Publiée très récemment, une revue de la littérature (5) évoque l’effet préventif que pourraient avoir la présence de  certains fructo- et galacto-oligossacharides dans des formules infantiles sur la constipation chez les nourrissons. 
Plus largement, aucune étude clinique évaluant un lait enrichi en probiotiques n’a montré d’amélioration des TFI. Et une seule étude (Savino), monocentrique et sur un petit nombre d’enfants a souligné l’efficacité d’un lait enrichi en prébiotiques sur les coliques. 
Modifier le microbiote intestinal, organe à part entière, de manière durable dans le but de réduire les TFI, en particulier les coliques du nourrisson, reste donc un défi.  En 2014 nous n’en sommes encore qu’au stade des hypothèses. Mais les recherches se poursuivent et laissent espérer à terme des solutions.
 
Drs Marc Bellaiche
Hôpital Robert Debré, Paris 
et Isabelle Hoppenot 
 
 
Références :
(1) Indrio F et al. Prophylactic use of a probiotic in the prevention of colic, regurgitation, and functional constipation: a randomized clinical trial. JAMA Pediatr. 2014 Mar;168(3):228-33.
(2) Savino F, Cordisco L, Tarasco Vet al. Lactobacillus reuteri DSM 17938 in infantile colic: a randomised, double blind, placebo-controlled trial. Pediatrics 2010; 126:e526-e533.
(3) Szajewska H et al. Lactobacillus reuteri DSM 17938 for the management of infantile colic in breastfed infants: a randomized, double-blind, placebo-controlled trial. J Pediatr. 2013 Feb;162(2):257-62.
(4) Wake M et al. Treating infant colic with the probiotic Lactobacillus reuteri: double blind, placebo controlled randomised trial. BMJ 2014;348:g2107
(5) Staiano A et al. Stool characteristics of infants receiving short-chain galactooligosaccharides and long-chain fructo-oligosaccharides: A
Review World J Gastroenterol 2014 October 7; 20(37): 13446-13452

Source : lequotidiendumedecin.fr