Cancers des voies biliaires

Améliorer la prise en charge en évitant les diagnostics tardifs

Publié le 13/11/2014
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Crédit photo : PHANIE

« Les cancers biliaires occupent le 2e rang de létalité par cancer après le cancer du pancréas. Les symptômes d’appel sont frustes et le diagnostic tardif. Même dans les formes opérables, rien n’est gagné : ces cancers sont volontiers infiltrants et récidivent volontiers localement ou à distance. De plus, chez des patients souvent âgés et à l’état général altéré, la chirurgie s’avère complexe » note en préambule le Dr Malka.

Font exception à ce sombre tableau, les cancers de la vésicule découverts de façon fortuite sur une pièce de cholécystectomie. « Leur pronostic est bien meilleur. S’ils sont superficiels, la cholécystectomie (par laparotomie) peut suffire. S’ils sont plus infiltrants (atteinte de la sous-muqueuse et au-delà) le standard est de réintervenir pour étendre l’exérèse aux segments avoisinants du foie. Enfin, il est bon de rappeler que si la lithiase est le principal facteur de risque de cancer de la vésicule, une infime minorité des vésicules lithiasiques évolue vers un cancer : il n’y a donc pas de place pour la cholécystectomie prophylactique en cas de lithiase vésiculaire asymptomatique » indique le Dr Malka.

Les cancers des voies biliaires (cholangiocarcinomes) surviennent dans deux tiers des cas après 65 ans, le plus souvent sans facteur de risque identifiable (inflammation chronique des voies biliaires telle qu’une cholangite sclérosante primitive en Occident ou une parasitose en Orient). Leur localisation est extra-hépatique (distale ou plus souvent proximale péri-hilaire) ou intra-hépatique (10 % des cancers primitifs du foie, de plus en plus fréquents). Ces derniers sont favorisés par les hépatopathies chroniques, notamment métaboliques (NASH) ou virales (VHC).

Y penser et avoir l’imagerie facile

« Devant des symptômes d’appels frustes chez un patient de plus de 50 ans – vagues douleurs de l’hypochondre droit, altération de l’état général (l’ictère est loin d’être systématique), l’important pour le praticien est de penser aux cancers biliaires et d’avoir l’imagerie facile : échographie, scanner, idéalement cholangio-IRM » recommande le Dr Malka. En cas de suspicion de tumeur biliaire à l’imagerie, il convient d’adresser rapidement le patient dans un centre expert en s’abstenant de toute manipulation des voies biliaires. « Les cathétérismes rétrogrades, poses de prothèses percutanées, etc. peuvent en effet compliquer considérablement le bilan de résécabilité voire la chirurgie elle-même » met en garde le Dr David Malka.

La majorité des patients relève de traitements palliatifs. Le standard actuel de chimiothérapie (dérivé platine plus gemcitabine) augmente la médiane de survie à 10-12 mois (vs 3-4 mois sans chimiothérapie). Cependant, indique le Dr Malka, « les patients ne sont pas tous capables de recevoir cette chimiothérapie et seuls un tiers sont capables de recevoir une deuxième ligne. »

Quelles perspectives pour l’avenir ?

« Des essais récents n’ont pas montré de bénéfice significatif de l’ajout d’un anti-EGFR (cétuximab ou erlotinib) à la chimiothérapie. Mieux démembrer au plan moléculaire les cancers biliaires pourrait ouvrir la voie pour d’autres thérapies ciblées » indique le Dr Malka. Ainsi, jusqu’à 20 % des cholangiocarcinomes intrahépatiques présentent une mutation des gènes IDH 1 ou 2, dont le diagnostic repose sur un taux sanguin élevé d’un métabolite, le 2-hydroxyglutarate, avec la perspective de traitement ciblé par des inhibiteurs spécifiques d’IDH. Le programme AcSé (INCa et Unicancer) a pour but de donner accès hors indications reconnues à des thérapies ciblées d’intérêt si la tumeur a la mutation visée : le crizotinib, actif sur les translocations ALK mais aussi ROS1 (présentes dans environ 5-10 % des cas de cholangiocarcinomes), et bientôt le vémurafénib, actif sur les mutation BRAF (présentes dans environ 5 % des cas de cholangiocarcinomes).

Pour les patients avec cholangiocarcinome opérable, l’expérience américaine initiée par la Mayo Clinic a relancé l’intérêt pour la transplantation hépatique, « préparée » par un traitement préopératoire conséquent (radio-chimiothérapie, chimiothérapie, curiethérapie). Démarre actuellement en France un essai comparant ce protocole à la résection en cas de cholangiocarcinome du hile.

D’après un entretien avec le Dr David Malka, gastro-entérologue, chef du Comité Multidisciplinaire de pathologie digestive, Département de Médecine Oncologique, Institut Gustave Roussy, Villejuif

Dr Sophie Parienté

Source : Le Quotidien du Médecin: 9365