Une amélioration très significative de la survie globale

Cancer colorectal métastatique : la longue route du progrès

Publié le 13/11/2014
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Crédit photo : PHANIE

Les réunions de concertation pluridisciplinaires assurent une prise en charge médico-chirurgicale adaptée au patient et à la présentation de sa tumeur. « La chirurgie a beaucoup progressé. Aujourd’hui, on sait opérer des métastases hépatiques, pulmonaires, péritonéales. Les métastases hépatiques exclusives doivent être « a priori » considérées comme toutes potentiellement résécables ! La chimiothérapie rend de plus en plus souvent les métastases accessibles à la chirurgie et s’invite parfois en peropératoire : dans les carcinoses péritonéales opérables, on complète systématiquement la chirurgie par une chimiothérapie per opératoire hyperthermique intrapéritonéale » indique le Pr Jean-Marc Phelip.

Les traitements médicaux ont aussi beaucoup évolués depuis les années 90. Ils ont permis d’augmenter la survie globale : sous 5FU, elle est passée à 12 mois (versus 6 mois sans traitement), puis à 16 mois sous oxaliplatine et irinotécan. Aujourd’hui en combinant chimiothérapie et biothérapies (anti-angiogénique ou anti-EGFR) elle dépasse 24 mois (voire 30 mois dans certains groupes de patients). Parallèlement les taux de réponse tumorale et la survie sans progression se sont accrus.

Importance du bilan initial

Le scanner thoraco-abdomino-pelvien -complété en cas de métastases accessibles à la chirurgie par scintigraphie au FDG (petscan) et/ou IRM hépatique avec séquence en diffusion- permet un bilan d’extension initial exhaustif. Un prélèvement tumoral est systématique pour examen histologique précis de la tumeur et détermination biologique du statut mutationnel d’oncogènes (RAS +/-BRAF). Cette détermination est importante à ce stade précoce de la prise en charge car les anti-EGFR (cétuximab ou panitumumab) ne peuvent être utilisés qu’en cas d’absence de mutation RAF (50 % des cas). En cas de mutations de BRAF (pronostic défavorable) il faudra discuter d’une chimiothérapie « incisive d’emblée ».

La maladie métastatique est-elle ou non résécable ?

Cette question est fondamentale. Elle permet d’élaborer dès le début de la prise en charge une stratégie médico-chirurgicale optimisée. La survie à 5 ans avoisine 30 % si les métastases peuvent être réséquées en totalité (versus moins de 5 % si elles ne sont pas résécables).

Ce critère de résécabilité fait distinguer 3 groupes de patients :

- maladie métastatique d’emblée résécable : une chimiothérapie (FOLFOX 4) encadre la chirurgie (6 cures avant, 6 cures après) ;

- maladie métastatique « potentiellement résécable » (d’emblée impossible mais pouvant le devenir si la taille des métastases diminue après chimiothérapie) : on traite par chimiothérapie incisive (bi-chimiothérapie par 5FU + oxaliplatine ou + irinotécan) associée à une biothérapie (bévacizumab ou anti-EGFR). Le but est de pouvoir opérer après 6 à 8 cures. Après la chirurgie, on complète la chimiothérapie pour atteindre 12 cures au total.

- maladie métastatique qui n’est pas et ne sera jamais résécable. Le débat reste ici ouvert entre 2 conduites à tenir : chimiothérapie « douce » (augmentée en cas de progression) ou chimiothérapie incisive (8 à12 cures maximum selon efficacité et tolérance, puis traitement d’entretien allégé ou pause thérapeutique) ? On opte aujourd’hui volontiers pour la chimiothérapie douce (mieux tolérée) si le patient est fragile et fatigué et la chimiothérapie incisive s’il est jeune et sans comorbidité ni fragilité.

Les lignes ultérieures utilisent les mêmes chimiothérapies (5FU +/- oxaliplatine ou irinotécan en les switchant) et biothérapies (bévacizumab, panitumumab, cétuximab) auxquelles s’ajoute un anti-angiogénique de 2e ligne, l’aflibercept. Le regorafenib, inhibiteur de tyrosine kinase multi-cible à forte activité anti-angiogénique a eu récemment une AMM en monothérapie chez les patients en impasse thérapeutique qui restent bon état général (en raison de la toxicité). Il sera disponible dès que les tutelles auront fixé un prix.

D’après un entretien avec le Pr Jean-Marc Phelip, gastroentérologue et oncologue médical, CHU de Saint-Étienne

Dr Sophie Parienté

Source : Le Quotidien du Médecin: 9365