Les réunions de concertation pluridisciplinaires assurent une prise en charge médico-chirurgicale adaptée au patient et à la présentation de sa tumeur. « La chirurgie a beaucoup progressé. Aujourd’hui, on sait opérer des métastases hépatiques, pulmonaires, péritonéales. Les métastases hépatiques exclusives doivent être « a priori » considérées comme toutes potentiellement résécables ! La chimiothérapie rend de plus en plus souvent les métastases accessibles à la chirurgie et s’invite parfois en peropératoire : dans les carcinoses péritonéales opérables, on complète systématiquement la chirurgie par une chimiothérapie per opératoire hyperthermique intrapéritonéale » indique le Pr Jean-Marc Phelip.
Les traitements médicaux ont aussi beaucoup évolués depuis les années 90. Ils ont permis d’augmenter la survie globale : sous 5FU, elle est passée à 12 mois (versus 6 mois sans traitement), puis à 16 mois sous oxaliplatine et irinotécan. Aujourd’hui en combinant chimiothérapie et biothérapies (anti-angiogénique ou anti-EGFR) elle dépasse 24 mois (voire 30 mois dans certains groupes de patients). Parallèlement les taux de réponse tumorale et la survie sans progression se sont accrus.
Importance du bilan initial
Le scanner thoraco-abdomino-pelvien -complété en cas de métastases accessibles à la chirurgie par scintigraphie au FDG (petscan) et/ou IRM hépatique avec séquence en diffusion- permet un bilan d’extension initial exhaustif. Un prélèvement tumoral est systématique pour examen histologique précis de la tumeur et détermination biologique du statut mutationnel d’oncogènes (RAS +/-BRAF). Cette détermination est importante à ce stade précoce de la prise en charge car les anti-EGFR (cétuximab ou panitumumab) ne peuvent être utilisés qu’en cas d’absence de mutation RAF (50 % des cas). En cas de mutations de BRAF (pronostic défavorable) il faudra discuter d’une chimiothérapie « incisive d’emblée ».
La maladie métastatique est-elle ou non résécable ?
Cette question est fondamentale. Elle permet d’élaborer dès le début de la prise en charge une stratégie médico-chirurgicale optimisée. La survie à 5 ans avoisine 30 % si les métastases peuvent être réséquées en totalité (versus moins de 5 % si elles ne sont pas résécables).
Ce critère de résécabilité fait distinguer 3 groupes de patients :
- maladie métastatique d’emblée résécable : une chimiothérapie (FOLFOX 4) encadre la chirurgie (6 cures avant, 6 cures après) ;
- maladie métastatique « potentiellement résécable » (d’emblée impossible mais pouvant le devenir si la taille des métastases diminue après chimiothérapie) : on traite par chimiothérapie incisive (bi-chimiothérapie par 5FU + oxaliplatine ou + irinotécan) associée à une biothérapie (bévacizumab ou anti-EGFR). Le but est de pouvoir opérer après 6 à 8 cures. Après la chirurgie, on complète la chimiothérapie pour atteindre 12 cures au total.
- maladie métastatique qui n’est pas et ne sera jamais résécable. Le débat reste ici ouvert entre 2 conduites à tenir : chimiothérapie « douce » (augmentée en cas de progression) ou chimiothérapie incisive (8 à12 cures maximum selon efficacité et tolérance, puis traitement d’entretien allégé ou pause thérapeutique) ? On opte aujourd’hui volontiers pour la chimiothérapie douce (mieux tolérée) si le patient est fragile et fatigué et la chimiothérapie incisive s’il est jeune et sans comorbidité ni fragilité.
Les lignes ultérieures utilisent les mêmes chimiothérapies (5FU +/- oxaliplatine ou irinotécan en les switchant) et biothérapies (bévacizumab, panitumumab, cétuximab) auxquelles s’ajoute un anti-angiogénique de 2e ligne, l’aflibercept. Le regorafenib, inhibiteur de tyrosine kinase multi-cible à forte activité anti-angiogénique a eu récemment une AMM en monothérapie chez les patients en impasse thérapeutique qui restent bon état général (en raison de la toxicité). Il sera disponible dès que les tutelles auront fixé un prix.
D’après un entretien avec le Pr Jean-Marc Phelip, gastroentérologue et oncologue médical, CHU de Saint-Étienne
Article précédent
Vaccination antirotavirus jugée très positive
Article suivant
Améliorer la prise en charge en évitant les diagnostics tardifs
Crise hémorroïdaire : l’examen clinique reste essentiel
Premier épisode de colite aiguë : la conduite à tenir est systématisée
L’incontinence anale peut être traitée et guérie
Les mesures hygiénodiététiques ont des effets modestes dans la constipation chronique de l’adulte
Quid des IPP
Toujours éliminer une cause organique
Dompéridone : nouvelles recommandations
Vaccination antirotavirus jugée très positive
Cancer colorectal métastatique : la longue route du progrès
Améliorer la prise en charge en évitant les diagnostics tardifs
Identifier les patients à risque de complication
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024