Si le problème ne se pose pas uniquement dans le domaine de la santé, celle-ci est assurément propice à la circulation d’idées fausses, voire de mensonges éhontés. « Pour combattre ce phénomène, il faut d’abord comprendre de quoi on parle. La fausse arrestation de Xavier Dupont de Ligonnès n’était pas une fake news. C’était une information inexacte relayée par des médias qui ont été contraints de s’excuser pour leur erreur. Une fake news, c’est une fausse information fabriquée intentionnellement pour tromper », explique Arnaud Mercier, directeur des études à l'Institut français de presse (Université Paris 2 – Assas).
Bien souvent, cette fake news prend la forme d’un récit journalistique. « C’est une forme d’hommage du vice à la vertu ! Car les propagateurs des fake news pensent grand mal des journalistes. Mais ils savent que leurs fausses informations auront l’air plus crédibles si elles adoptent un format journalistique », indique le professeur. Le succès et la large diffusion des fake news s’expliquent d’abord par le profond changement dans l’écosystème de l’information avec l’arrivée des réseaux sociaux numériques. « Cela a facilité l’accès à l’information en ligne et a permis une démocratisation de la prise de parole publique pour des gens persuadés qu’ils ont des choses à raconter et jouent au “petit journaliste” », souligne Arnaud Mercier.
Une autre mutation importante est le développement d’un « biais de confirmation sociale » et de bulles de filtres communautaires. « Ces fake news circulent en général dans des cercles de gens qui pensent la même chose et qui, via les algorithmes, reçoivent les mêmes informations. Et plus une information est partagée ou « likée », plus sa crédibilité augmente dans l’esprit d’une partie des gens, en voyant les métriques de partage gonfler », indique l’auteur du livre #info sorti l’an dernier.
Une source de défiance
Le phénomène révèle aussi et surtout une forte défiance vis-à-vis des « sachants » parmi lesquels on trouve les experts, les journalistes, les hommes politiques mais aussi les médecins. « Cela complique la parade face à ces fake news. Pour les combattre, il ne suffit pas de rétablir la vérité du haut d’un magistère moral. Il ne suffit pas d’asséner. Il faut expliquer sans faire le coup du mépris, ni avoir un ton culpabilisant. Même si cela n’est pas facile à accepter, il faut descendre de son piédestal en acceptant l’idée que les patients connaissent certaines choses grâce à internet. Et il faut dialoguer en acceptant de se mettre au même niveau de son interlocuteur et de ses connaissances plutôt que d'asséner une information ce qui braque les gens et conduit certains à rejeter les discours d’autorité, pourtant vrais », insiste Arnaud Mercier.
Pour être efficace, il faut aussi se battre avec les mêmes armes que les diffuseurs de fake news. « Face à une vidéo virale d’une minute très percutante, trois pages très documentées du ministère de la Santé ou de l’OMS ne toucheront jamais la bonne cible. Il faut riposter en utilisant les mêmes codes pour le même public. C’est ce qu’a fait le ministère de la Santé en 2017 en s’associant à un YouTubeur populaire, « e-penser », pour diffuser une vidéo sur les vaccins qui a fait plus de 600 000 vues », conclut Arnaud Mercier.
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