Dépistage primaire

La place des tests HPV

Publié le 09/07/2012
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LE DÉPISTAGE des lésions précancéreuses du col par le frottis s’est montré très efficace dans les pays ayant une offre de soins de qualité, où il a permis de réduire de plus de 50 % la mortalité liée au cancer du col. Mais un certain nombre de femmes échappent encoure au dépistage. Dans les pays en voie de développement, du fait du manque de structures appropriées, cette approche est soit inapplicable, soit inefficace. Ceci a conduit à développer des stratégies de dépistage fondées sur le recours à des tests HPV. Dans un contexte de dépistage primaire, l’utilisation du test Hybrid Capture 2 permet de dépister plus de 90 % des lésions CIN2, CIN3 et des cancers du col, avec une sensibilité de 25 % (15 à 36 %) supérieure à celle de la cytologie pour les lésions ASC-US (ou les lésions intra-épithéliales de bas grade (LSIL) ), mais au prix d’une moindre spécificité (6 % de moins que la cytologie).

Plusieurs approches sont aujourd’hui en cours d’évaluation pour pallier la sensibilité moindre des tests HPV, source de colposcopies inutiles : typage pour les HPV 16 et 18/45, marqueurs de lésions prolifératives tels que p16 et ARNm pour les protéines virales E6 et E7.

Protéine et ARNm.

La protéine p16-INK4A est un inhibiteur de kinase cycline-dépendant habituellement exprimée à très faible concentration dans les cellules, mais très fortement surexprimée dans les cellules cancéreuses du col. Des études antérieures avaient souligné son intérêt chez des femmes ayant un test HPV positif pour préciser le risque de lésions CIN2+ (sensibilité de 90 %) et montré que son utilisation chez des femmes ayant un test HPV positif permettait de réduire le nombre de patientes adressées pour colposcopie. De nouvelles données, issues du suivi longitudinal d’une cohorte de 1 137 femmes dans le cadre de l’étude NTCC, suggèrent que les femmes ayant un test HPV positif sans surexpression de p16 ne nécessitent pas de nouveaux examens à brève échéance et peuvent être raisonnablement retestées au terme de trois années. En revanche, les patientes ayant un test HPV positif et une surexpression de p16 doivent être réévaluées assez rapidement en l’absence de lésions lors de la colposcopie initiale.

Une autre voie pour réduire le nombre de test HPV faussement positifs, sans réduire leur sensibilité pour dépister les lésions CIN3+, se fonde sur la détection de l’ARN messager des oncogènes viraux E6 et E7, dont les niveaux sont corrélés avec la sévérité des lésions du col. Des premiers résultats ont montré que le test Aptima, basé sur la détection de E6 et E7, a une spécificité équivalente à celle du frottis pour les lésions CIN2+. Un essai mené en Allemagne sur plus de 10 000 femmes montre que si les deux tests sont de haute sensibilité pour détecter les lésions CIN2+ et CIN3+, la spécificité du test Aptima pour les lésions CIN2+ est supérieure à celle du test Hybrid Capture 2 : le nombre de faux positifs est réduit de 21 %.

Plusieurs stratégies évaluées.

Des données récentes, en particulier celles issues d’études menées aux Pays-Bas (Pobascam et Vusascreen) utilisant toutes deux un test ADN en dépistage primaire (GP5+/6+ EIA PCR ou Hybrid Capture 2) mais évaluant différentes stratégies, suggèrent qu’il n’y a pas une bonne méthode mais plusieurs options possibles.

Dans les pays où l’analyse des frottis est de bonne qualité, une option de choix en prévention primaire est de recourir à un dépistage par test ADN, suivi d’un triage par examen cytologique chez les femmes ayant un test HPV positif. Les pays proposant actuellement un programme de dépistage par frottis devraient ainsi passer progressivement à un plus large recours aux tests ADN, afin d’améliorer l’efficacité du dépistage et élargir son rythme. La plus grande sensibilité des tests HPV comparativement au frottis incite fortement à se baser sur leur utilisation dans les programmes de dépistage nouvellement mis en place. Dans les pays où les ressources médicales sont limitées, la pratique d’un test HPV suivi immédiatement d’une stratégie « screen and treat » basée sur une inspection visuelle du col pourrait être une bonne option afin de limiter le nombre d’examens. Un nouveau test, careHPV, d’un faible coût et d’utilisation facile, y compris par du personnel non médical dans des zones rurales, a fait la preuve de sa bonne sensibilité et pourrait faciliter le dépistage primaire dans des pays ne voie de développement. Un essai randomisé mené en Afrique du Sud a de son côté montré l’efficacité et la fiabilité d’une stratégie « screen and treat » par cryothérapie : réduction de 73 % (69 % chez les femmes HIV négatives, 80 % chez les femmes HIV positives) à 3 ans des lésions CIN2+ par rapport à un groupe contrôle. Dans une étude randomisée contrôlée réalisée en Inde, une réduction de 48 % de la mortalité par cancer du col a été observée après une seule campagne de dépistage par test HPV.

D’après les communications de J.M. Cuzick (Londres, Royaume-uni), J. Berkhof (Amsterdam, Pays-Bas), F. Carozzi (Florence, Italie), T. Iftner (Tuebingen, Allemagne), et R. Sankaranarayanan (WHO-IARC).

 Dr ISABELLE HOPPENOT

Source : Le Quotidien du Médecin: 9152