Des recommandations à la pratique

Le vaccin : sa perception et ses barrières

Publié le 09/07/2012
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Crédit photo : BSIP

DANS LE CADRE des recommandations officielles en vigueur en France, l’efficacité protectrice du vaccin Gardasil a été démontrée chez les jeunes femmes non infectées par les types d’HPV du vaccin. Il est recommandé chez les jeunes filles de 14 ans et, en rattrapage, chez les jeunes femmes de 15 à 23 ans n’ayant pas eu de rapports sexuels, ou au plus tard dans l’année suivant leur premier rapport, à l’occasion par exemple d’une primoprescription de contraception, d’un recours à une pilule du lendemain ou lors d’une consultation pour tout autre motif. Cet avis du comité technique des vaccinations et du Conseil supérieur d’hygiène publique de France du 9 mars 2007 portait sur la vaccination contre les papillomavirus humains 6, 11, 16 et 18, c’est-à-dire le vaccin Gardasil, mis sur le marché en 2006. Après autorisation du vaccin Cervarix, les autorités sanitaires françaises ont recommandé une utilisation préférentielle du vaccin Gardasil en décembre 2007, mais cette recommandation a été abandonnée en décembre 2010, les deux vaccins étant actuellement recommandés.

Une couverture vaccinale faible.

Il n’existe pas de programme de vaccination en milieu scolaire en France. Les jeunes femmes ciblées qui désirent se faire vacciner doivent donc faire appel, de leur propre initiative, à des praticiens du secteur privé. Les quartiers et les villes qui ont inclus la vaccination contre le virus HPV dans leur offre de vaccination publique sont peu nombreux. Les vaccinations réalisées dans le secteur privé sont remboursées par l’Assurance-maladie à un taux de 65 % pour le vaccin et de 70 % pour la consultation du clinicien, tout à la fois pour la population cible et celle concernée par la vaccination de rattrapage.

La base de données nationales de remboursement des médicaments a permis d’évaluer la couverture vaccinale. En juin 2011, la proportion de femmes complètement vaccinées, c’est-à-dire ayant reçu trois doses, a été de 27 % chez les jeunes filles de 15 ans et de 37 % pour les 16 et 17 ans. Parmi ces trois classes d’âge, la proportion de sujets partiellement vaccinés (au moins une dose de vaccin), s’élevait à 44, 52 et 54 % respectivement. Différentes initiatives ont été mises en place pour surveiller les effets de la vaccination contre les atteintes à papillomavirus humains, notamment en termes d’incidence des lésions cervicales précancéreuses et cancéreuses.

Les points de vue des professionnels de santé.

Pour les spécialistes en santé publique, la vaccination fait partie d’un plan global de contrôle du cancer du col, et ne doit pas être considérée isolément. C’est pourquoi il est indispensable de rappeler la nécessité d’organiser le dépistage et de le promouvoir. L’éducation reste ainsi le plus grand défi et il concerne la communauté tout entière, y compris les responsables gouvernementaux et médicaux. Bien entendu, une progression de la couverture vaccinale implique des coûts qui ne peuvent pas facilement être assumés dans les pays où les ressources sont faibles. Il faut rappeler qu’une approche multidisciplinaire coordonnée constitue la clé du succès de toute action de santé. De nombreuses limitations constatées dans la mise en œuvre de la vaccination dans divers pays d’Europe (lire encadré) peuvent ainsi être expliquées par un manque de coordination efficace entre les différents acteurs du monde de la santé.

Les pédiatres sont les acteurs clés sur le terrain en matière de vaccination et en sont des promoteurs actifs. Les conseils prodigués par les professionnels de santé sont en effet, de loin, la principale variable associée à une décision favorable d’une patiente à recevoir le vaccin. Les pédiatres ouvrent ainsi l’accès à la population cible, et permettent l’information des parents sur les indications supplémentaires du vaccin et, éventuellement, sur la nécessité de maintenir la prévention secondaire du cancer du col utérin. Ils peuvent ainsi jouer un rôle clé dans l’inclusion du programme de prévention secondaire de femmes qui se rendent en consultation avec leurs enfants.

Les omnipraticiens pointent quant à eux une absence de succès de la vaccination. Au Canada, les médecins expliquent que la consultation, brève, est avant tout orientée vers les soins curatifs. Il faut aussi noter que les médecins généralistes doutent de l’utilité de ces vaccins : environ 50 % d’entre eux d’après une étude d’évaluation des besoins pour l’accréditation en FMC.

Un sentiment partagé par la plupart des patients, défiants par rapport à l’efficacité et à la sécurité de la vaccination, en raison de l’importance croissante des opinions émises sur le web et dans les blogs. Il faut aussi noter que beaucoup de médecins ne sont pas à l’aise pour évoquer les questions de sexualité, en particulier lorsque les parents accompagnent leurs enfants adolescents.

Il est difficile de comparer les deux vaccins.

Les vaccins bivalent et quadrivalent ont des efficacités différentes sur les types d’HPV oncogènes non vaccinaux, comme les types 31, 33, 45, 52 et 58. Le vaccin bivalent est généralement considéré comme ayant une efficacité plus importante. Une analyse méthodique de la littérature suggère toutefois que la comparaison de l’efficacité vaccinale, mesurée dans des populations naïves, est sujette à des biais. Un modèle prédictif a été mis au point, il suggère une efficacité légèrement plus élevée pour le vaccin bivalent en termes de prévention des lésions CIN2 et 3. En revanche, le vaccin quadrivalent semble plus rentable selon ce même modèle, en raison de son efficacité contre les verrues génitales.

Un profil de sécurité rassurant.

Le Haut Conseil de la santé publique rappelle que l’analyse des données de pharmacovigilance recueillies depuis la mise à disposition des Gardasil et Cervarix dans le monde permet de confirmer leur profil de sécurité d’emploi rassurant avec un taux de notification de l’ordre de 2 à 5 cas pour 10 000 doses vaccinales. En France, dès la mise sur le marché des vaccins, l’Afssaps a établi un plan national de gestion des risques. Ces mesures de surveillance des effets indésirables post-vaccinaux sont toujours en vigueur.

L’éventualité d’une majoration du risque a été examinée à partir des données de deux études épidémiologiques réalisées en France. Les résultats sont concordants et ne montrent pas d’association significative entre cette vaccination et le risque de maladies auto-immunes.

Une étude cas-témoins a été réalisée à partir des données du réseau d’études pharmacoépidémiologiques PGRx-maladies auto-immunes entre décembre 2007 et avril 2011 : la proportion de cas vaccinés et de cas témoins est apparue concordante avec les données de surveillance internationales et les résultats d’études épidémiologiques réalisées dans d’autres pays.

D’après les communications de : I Parent du Châtelet (InVS, France), K Soldan (Londres, Royaume Uni), Paolo Bonanni (Florence, Italie) Johannes Berkhof (Amsterdam, Pays-Bas), Gunta Lazdane (WHO Regional Office for Europe), Joanna Cain (International Federation of Obstetrics and Gynecology (FIGO)), PL Lopalco (European Centre for Disease Prevention and Control (ECDC), Stockholm, Suède), Federico Martinon-Torres (Santiago de Compostela (IDIS), Espagne), Marc Steben (Montréal, Canada), T Malagon (Laval, Canada), L Grimaldi-Bensouda L (Institut Pasteur et Inserm, Paris).

 Dr GÉRARD BOZET

Source : Le Quotidien du Médecin: 9152