« Au sein du code de déontologique de l’Ordre des médecins de Catalogne, deux articles font référence aux médecins malades, ceux dont l’exercice peut être négativement influencé par des problèmes mentaux ou d’addiction à l’alcool ou à des substances psychoactives. D’une part, l’Ordre doit assurer une pratique professionnelle de ses médecins sans risque pour la société, d’autre part, l’Ordre s’engage à aider les médecins affectés par des problèmes de santé », explique au « Quotidien » le Dr Antoni Arteman, gérant de la Fondation Galatea, Barcelone.
« La philosophie de l’Ordre n’est pas punitive – sauf bien sûr dans des cas extrêmes. Elle promeut l’accès volontaire aux soins et à la réhabilitation. Elle est aussi fondée sur des actions de prévention. Son but ultime n’est pas de se séparer des médecins en difficulté mais plutôt de permettre à de bons professionnels qui sont passés par une période délicate de reprendre une activité satisfaisante pour eux et pour la société. »
Le programme PAIMM
En Catalogne, depuis 1998, il existe le programme PAIMM (Programa d’Atenció Integral al Metge Malalt) – cofinancé par le département de santé de la Generalitat de Catalogne et l’Ordre – qui permet un accès intégral et gratuit aux soins spécifiques pour les médecins en difficulté. Une solution idéale et accessible à tous ?
Théoriquement oui. Mais, dans les faits, le médecin, même malade, n’est pas un patient comme les autres. Avant tout parce qu’il se soigne lui-même, qu’il nie ou sous estime très souvent sa maladie, qu’il ne veut pas assumer le rôle de malade et, qu’enfin, sa famille et ses collègues vont bien souvent dans le même sens que lui dans un contexte de « conspiration du silence ». Et même lorsqu’il est conscient de son trouble, le médecin malade a souvent peur d’une stigmatisation de la part de ses collègues, il craint d’être reconnu ou que ses propres soignants violent la confidentialité et, qu’en fin de compte, il ne puisse plus exercer.
L’Ordre de médecins de Catalogne lorsqu’il reçoit un signalement de « médecin malade » propose dans un premier temps au praticien d’adhérer de façon « volontaire mais induite » au programme PAIMM. Cela a été le cas pour 11 % des 2 000 médecins qui ont été pris en charge en Catalogne depuis le début du PAIMM (contre 84 % d’adhésion volontaire).
En cas de refus de soins volontaires
Reste le cas des médecins qui refusent l’aide proposée en dépit d’un signalement de patients ou de confrères à l’Ordre (5 % des médecins en difficulté). C’est pour eux qu’une initiative unique en Europe a été mise en place en Catalogne en 1998 : le contrat thérapeutique qui correspond à une injonction des soins par l’Ordre. La signature de ce contrat, qui implique le médecin, les soignants de la Fondation Galatea et le plus souvent l’Ordre et un soignant tuteur, n’est imposée que lorsqu’il existe un risque de mauvaise pratique du travail associé à un besoin thérapeutique qui est minimisé ou nié par le médecin. Il peut aussi être nécessaire en cas de rechute d’un médecin qui a suivi des soins sans contrainte dans un premier temps et chez certains médecins qui acceptent le programme mais dont le suivi pourrait être irrégulier.
Les contrats thérapeutiques sont signés sur une durée de 6 mois à 1 an. Ils sont renouvelables éventuellement après évaluation de fin de contrat.
Au moment de la signature, le véritable nom du patient est utilisé et par la suite il sera suivi sous un pseudonyme afin de limiter les risques de défaut de confidentialité. Un rapport de suivi du contrat thérapeutique est complété régulièrement par les soignants et le tuteur. En cas d’inaccomplissement évident du contrat, l’Ordre peut procéder à une suspension du médecin.
172 contrats thérapeutiques pour un total de 88 médecins
Entre novembre 1998 et décembre 2013, 2 024 médecins malades ont été pris en charge. Sur ce nombre, 88 (4,34 %) ont signé un total de 172 contrats thérapeutiques (50 % uniques et 50 % multiples).
Les hommes étaient très surreprésentés (69 %), ainsi que la tranche d’âge 41-45 et 50-55 ans (51,4 % au total).
Avant de signer le contrat thérapeutique, un médecin n’avait plus le droit d’exercer, 41 étaient en congé maladie, 44 en exercice et 2 au chômage. Après le temps passé sous contrat, aucun médecin ne gardait d’interdiction d’exercer, 1 était en congé maladie, 69 étaient en exercice, 2 au chômage, 12 en invalidité et 2 avaient pris leur retraite. Un très faible nombre de médecins avait changé de région d’exercice.
Pour les contrats thérapeutiques les spécialités les plus représentées étaient la médecine générale (20 sur 88), la psychiatrie (11), l’anesthésie (10) la médecine interne (5) et la gynécologie (4).
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