« Le Quotidien » s’est entretenu avec une dizaine de médecins qui ont eu à faire face à des pathologies graves, oncologiques pour la plupart. Considèrent-ils que leur profession a été plutôt une aide ou, à l’inverse, un obstacle à leur prise en charge ? Globalement, ils ne semblent pas y avoir trouvé avantage. Leurs réponses ont été comparées à celles de praticiens qui n’avaient jamais subi de maladie grave… Et ces derniers semblent plus optimistes sur la possible influence de leur profession dans leur prise en charge médicale. Verbatim.
Avant le diagnostic
Les réactions des proches : « tu fréquentes trop de malades, c’est pour ça que tu penses l’être aussi », « avant de penser être malade, penses que tu travailles trop, repose-toi et on verra après », « quand tu étais étudiante, tu m’avais déjà réveillé en pleine nuit une fois parce que tu pensais avoir un cancer du sein, une autre fois pour une maladie de Hodgkin… », « et puis si tu es malade, au moins toi tu seras bien soigné ».
Les doutes des confrères : « bien sûr, parce que vous êtes médecin, vous pensez que toutes les céphalées sont liées à des cancers », « non je ne vous prescrirai pas de scanner cérébral en urgence juste parce que vous êtes médecin », « moi je vous ai examiné et je peux vous dire que mon examen est plus objectif que le votre », « là tel que je te vois à la cafet’, je peux te dire que tu n’es pas malade… », « il m’a traitée d’hystérique », « même le SAMU ne s’est pas déplacé sous prétexte que je suis médecin ».
Au moment du diagnostic
« Il m’a montré l’IRM et m’a dit : tu comprends, je n’ai pas besoin de t’expliquer », « un lymphome 2 ans après un mélanome, c’est pas de chance », « vous êtes diabétique, vous avez bien compris ce que ça veut dire », « avec tous vos facteurs de risque, ça devait bien arriver, heureusement que vous étiez à l’hôpital ce jour-là, sinon vous étiez mort », « ben c’est des métastases, je ne vais quand même pas te faire une consultation d’annonce », « il y a bien des traitements, mais c’est des essais cliniques, alors je ne crois pas que tu puisses y participer ».
Mais aussi : « je vous soignerai comme je soigne les autres hommes atteints de cancer du testicule, et ils guérissent presque tous maintenant », « tu as peut-être un mélanome, mais tu restes mon ami et un médecin que j’estime, alors n’hésite pas à prendre à un autre avis et à poser les questions que tu veux et reviens vers moi si tu le souhaites ».
Pendant le suivi
« Ah, c’est vous que j’avais eu comme PU-PH en neurologie, je ne vous avais pas reconnu sans cheveux », « n’y touche pas, c’est un médecin, tu sais comment ils sont, ils ne veulent pas que les internes s’occupent d’eux », « lui, il passe toujours avant tout le monde aux urgences, juste sous prétexte que c’est un médecin », « c’est un patient du patron », « si c’était un malade lambda, jamais il n’aurait ça un body-scann dès qu’il a mal au ventre ».
Et aussi : « moi je ne suis qu’infirmière mais je peux vous dire que vous ne vous plaignez jamais pour un médecin », « c’est peut-être une rechute, mais nous allons tout mettre en œuvre pour gagner contre la maladie », « vous êtes médecin, donc vous savez qu’on peut avoir de beaux bébés et les voir grandir même avec un diabète, alors confiance ».
La hiérarchie, les confrères
« Pourriez-vous faire vos cartons, pendant votre absence, votre bureau va être affecté à votre remplaçant », « et voilà, un poste de PH bloqué pour un temps indéfini », « votre poste peut être réaffecté après 4 mois si vous ne reprenez pas », « nous, on s’occupe de ta clientèle, mais il faut quand même que tu continues à participer aux frais de la SCM, tu comprends », « bah, tu ne perds pas d’argent avec les indemnités journalières », « ah bon, tu n’avais pas pris d’assurance perte d’activité, c’est parce que tu es jeune que tu n’y avais pas pensé ».
Mais aussi : « tu reviendras quand tu seras bien, d’ici là ne t’inquiète pas, on fera tourner le service, tu n’es pas indispensable », « non tu ne peux pas travailler entre tes chimios, c’est pour toi, tu risques de t’infecter ».
« J’ai entendu dire que vous aviez un problème, oui là ça se voit », « je suis suivi par un de vos confrères désormais, vous me comprenez vous n’étiez jamais là », « tu vois il est chauve et bouffi, je vais changer de médecin parce que lui, je ne sais pas… », « vous boitez, vous ?, vous n’arrivez pas à vous soigner ? », « on dirait que vous avez une SEP vous aussi, comme moi », « bon courage, vous verrez c’est dur, vous n’avez pas idée », « au moins il ne pourra plus dire que je fais exprès de vouloir un arrêt de travail ».
La reprise
« C’est un peu tôt, attends, on se débrouille sans toi, reviens quand tu seras vraiment guéri », « tu as vu la médecine du travail, tu es sûr que tu peux reprendre », « le mi-temps thérapeutique c’est pas possible dans notre service, peut être dans un boulot de bureau, au département d’information médicale… », « non pas sans cheveux, vous pourriez au moins mettre une perruque », « j’ai vu ton dossier dans les archives informatisées, ben dis donc… », « trois ans sans rechute, je n’y croyais pas », « à l’hôpital, il n’y a jamais de droit à l’oubli », « allez prendre une assurance – y compris juste pour s’installer – quand vous avez eu un cancer en étant interne », « diabétique et libéral, c’est juste impossible : tout le monde vous met des bâtons dans les roues (ordre, confrères, assurances) ».
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