« La question de l’aide aux confrères en détresse est abordée dans le serment d’Hippocrate sous les termes : "J’apporterai mon aide à mes confrères ainsi qu’à leurs familles dans l’adversité." Et depuis 2004, l’Ordre des Médecins a posé les bases d’une entraide ordinale qui propose une aide morale ou financière aux médecins en difficulté », explique au « Quotidien » le Dr Jean Thevenot, président du conseil départemental de l’Ordre de Haute-Garonne et l’un des fondateurs de l’Association MOTS*.
« Mais dans les faits, la profession de médecins est l’une de celles où le taux de suicide est le plus important Il faut donc que les moyens d’aide mis à la disposition des médecins par les conseils de l’Ordre départementaux, régionaux et national soient augmentés et mieux adaptés. Il faut dire que certains médecins craignent qu’en s’adressant à l’Ordre, ils aient à subir des conséquences négatives personnelles ou administratives, en particulier en cas de troubles psychiatriques ou de conduites addictives. Et il ne faut pas non plus oublier que certains praticiens vivent des situations de conflits ordinaux. C’est pour l’ensemble de ces raisons que dès 2010, l’association MOTS a été créée en Haute-Garonne afin de mettre en contact les confrères en difficulté avec un médecin spécialiste de la santé au travail qui les oriente après examen de leur demande vers des référents de l’association ; psychologues, alcoologues, juristes, informaticiens, comptable, CDOM… »
L’épuisement au premier plan
« Le fonctionnement de l’association MOTS est fondé sur la confidentialité, un point essentiel pour que les personnes en difficulté psychiatrique ou addictive puissent se confier. L’évaluation – et si nécessaire l’hospitalisation – seront toujours proposés dans le strict respect de la confidentialité. La qualité des soins donnés aux confrères est aussi un des points clés de notre association. Les médecins référents (médecins de santé au travail, addictologues, psychiatres…) sont sensibilisés à la problématique de la prise en charge de soignants. Enfin, comme pour toutes association, la question du financement se pose afin d’assurer une pérennité à notre approche. Actuellement l’association MOTS est financée par plusieurs conseils de l’Ordre départementaux et régionaux ainsi que l’ARS de Midi-Pyrénées, et bientôt sans doute par le CNOM », poursuit le Dr Thevenot.
Aujourd’hui, l’association MOTS est présente en Bourgogne, Champagne Ardenne, Languedoc-Roussillon, Limousin, Midi-Pyrénées, bientôt en Aquitaine, Picardie, et PACA. Elle traite en moyenne 2 à 3 appels par semaine.
L’analyse des données disponibles depuis 2010 montre qu’au sein des problèmes identifiés – qui peuvent être uniques ou multiples – l’épuisement professionnel est en première ligne (40,8 %), suivi des conflits professionnels (30 %), d’un besoin de reconversion professionnelle (20 %), une pathologie organique (18,7 %) ou d’une procédure judiciaire pour 7,5 % des appelants.
Parmi les orientations préconisées, le recours à une psychothérapie vient loin devant toutes les autres ressources (54 %). Dix à 12 % des médecins sont adressés à un juriste, à l’entraide du conseil départemental de l’Ordre, au service d’aide de la CARMF. Les autres recours – association APSS, AAPML, conseil de l’Ordre pour conciliation, médecin traitant, médecin du travail, ARS, formation, comptable ou informaticien – concernent moins de 10 % des médecins.
Une « alliance thérapeutique » avec un médecin de santé au travail
MOTS propose un accompagnement individuel des médecins en difficulté qui font appel à l’association par le biais d’une ligne téléphonique dédiée. L’appel est reçu par une bénévole formée à l’écoute bienveillante qui transmet les coordonnées du médecin à un confrère spécialisé dans l’ergonomie et à la santé au travail.
« L’originalité de la prise en charge par l’association MOTS vient de la mise en place d’un projet personnel de santé pour tous les appelants. Ce projet résulte d’une démarche de co-construction entre le médecin de MOTS – qui en est un pilote en lien avec le médecin traitant – et le demandeur. C’est une véritable "alliance thérapeutique" », explique le Dr Monique Marpinard, médecin de santé au travail.
Dès le premier entretien téléphonique, le médecin référent s’efforce de repérer les éléments susceptibles de participer aux troubles psychologiques et comportementaux de l’appelant afin d’élaborer des stratégies et des actions préventives.
« Le médecin de MOTS adresse ensuite au demandeur par mail le contrat de confidentialité et de livret d’autoévaluation qui permet de faire un point sur les différents aspects de sa vie personnelle et professionnelle [voir encadré]. Il fixe ensuite un rendez-vous pour un premier entretien d’évaluation afin de mesurer plus précisément les risques d’épuisement professionnels et psychosociaux. À l’issue de ce rendez-vous, des solutions peuvent être proposées et le confrère peut être orienté vers des personnes ressources. L’ensemble de ces actions est détaillé à l’occasion d’un nouveau rendez-vous entre le médecin référent et le demandeur », continue le Dr Marpinard.
Association MOTS (Médecin, Organisation, Travail, Santé) :
Tel, 24 h/ 24 et7j / 7 : 06 08 28 25 89
http://www.association-mots.org
Maison des professions de santé
9, avenue Jean Gonord
31 500 Toulouse
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