La page d’accueil Internet du projet documentaire Do No Harm de la réalisatrice Robyn Symon est avant tout destinée à collecter des fonds auprès des familles : on y voit une soignante qui se tient le visage et un slogan : « Vous avez perdu un étudiant en médecine ou un médecin par suicide ? Donnez en sa mémoire. Nous avons besoin de votre aide. »
Sur la page Facebook du projet, le message est plutôt destiné à la population générale : « L’épidémie silencieuse. 400 médecins américains se suicident chaque année et personne n’en parle. Ces 400 médecins, qui chacun ont une patientèle d’environ 2 500 personnes, laissent 900 000 patients sans soignant. »
L’idée de la réalisatrice est de proposer un film documentaire sur les causes et les solutions de l’épidémie de suicide de médecins aux États-Unis. Le film est en cours de tournage grâce aux plus de 100 000 dollars (93500 euros) déjà récoltés et devrait être diffusé en 2017. Déjà des photos et un extrait sont présentés sur le site et sur Facebook. Début janvier 2017, le film a reçu un prix (Roy W Dean Grant) qui va permettre la finalisation de la production, dernière étape avant la diffusion.
Sensibilisée par un article de presse
Le projet a débuté en novembre 2015, huit mois après la publication par « The Daily Beast » d’un article sur le suicide d’un jeune médecin de Saint Louis, Greg Miday. Ce jeune homme avait eu au cours de ses études un problème d’addiction à l’alcool. Il était surveillé régulièrement par les autorités sanitaires du Missouri qui lui avaient imposé un programme de réhabilitation auprès des Alcooliques Anonymes. Il a suivi plusieurs cures, et au cours de l’une d’entre elles, il a publié un essai sur l’impact de l’alcool dans l’oeuvre d’Ernest Hemingway. Mais les rechutes ont été fréquentes, d’autant plus qu’il travaillait beaucoup (plus de 80 heures par semaine, comme la plupart des internes aux États-Unis) et qu’il avait contracté un prêt de 100 000 dollars pour faire ses études.
Sa mère a estimé que le geste fatal qu’il a commis était en lien avec son incapacité à suivre ce programme et avec sa peur d’une suspension d’activité.
L’auteur de l’article, Gabrielle Glaser a interrogé un médecin spécialiste en addiction, le Dr Bradley Hall (Bridgeport, États-Unis) qui a eu cette phrase cynique mais ô combien vraie : « Hélas, il y a une chose que les médecins réussissent bien dans leur vie : leur suicide. »
La page Facebook recueille des témoignages
Robyn Symon, la réalisatrice et coordonnatrice du projet Do No Harm n’est pas issue du milieu médical. Ses films documentaires avaient jusque-là traité de sujets de société et avaient dressé le portrait d’une Amérique alternative. Elle n’a jamais vraiment expliqué son choix de s’impliquer dans la prévention du suicide des soignants, sauf en lâchant « tout le monde connaît quelqu’un dont le docteur s’est suicidé ». On n’en saura pas plus.
La page Facebook de son film est utilisée désormais par toutes les personnes qui souhaitent parler de ce problème.
Par exemple, on y trouve les témoignages de patients du Dr J.E. Block qui s’est suicidé en juillet 2016. L’article sur le décès de l’étudiant Ari Frosch qui s’est jeté sous un train en septembre 2016 est repris. Les parents de John Dietl un autre jeune médecin qui est passé à l’acte prennent la parole.
Les Drs Charles Czeisler et Chris Landrigan expliquent combien le manque de sommeil peut rendre les étudiants plus vulnérables à la dépression.
Michelle, une étudiante en médecine qui auparavant avait service dans le corps des Marines en Afghanistan explique combien la faculté de médecin est plus stressante qu’un front en période de guerre, parce qu’elle s’y est sentie isolée et que la pression financière liée aux emprunts qu’elle avait faits lui était difficile à vivre.
Et parmi d’autres témoignages ou reprise d’article de presse, on trouve aussi un entrefilet sur Kathrym Stascavage qui s’est jeté du 8e étage de sa cité universitaire car d’après ses collègues, « elle était trop stressée… ».
Et en France ?
Dans notre pays, le suicide des médecins et des étudiants en médecine reste tabou. Quelques familles osent parler. Des associations de médecins et d’étudiants en médecine abordent le sujet, mais le grand public est loin d’imaginer les dégâts humains que peuvent représenter ces actes qui laissent des familles et des patients dans des situations de souffrance. La France a tellement besoin de ses médecins, qu’il est impensable que certains puissent en arriver à des extrémités parce qu’ils ne sont pas aidés ou accompagnés dans des moments de détresse.
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